par Florence-Laetitia

À l’occasion de la réédition de son livre Bella Ciao,  Pierre Fréha m’a accordé un échange rempli d’émotions, un moment suspendu, au bout du fil invisible du téléphone. Lui à Bucarest, moi à Valencia, j’avais pourtant l’impression d’être à ses côtés, attablée à une terrasse de café, captivée par ses paroles et la transmission de sa passion.  

Il est revenu sur la genèse de Bella Ciao, né par sérendipité à la suite d’ une conversation téléphonique totalement dantesque. Sorti pour la première fois en novembre 2021 et écrit presque d’instinct par Pierre Freha durant la pandémie, le livre résonne aujourd’hui dans l’actualité, au vu des dernières élections en Turquie et du centenaire de la révolution turque qui sera fêté en octobre.

Même si Pierre Freha revendique une écriture romanesque, le livre retrace une histoire imprégnée de prise de positions politiques, et il ne pourrait en être autrement concernant Istanbul, son passé et son présent. 

A travers son anti-héros à la langue acerbe face à une situation ubuesque, brutale et totalement injuste, on ressent un personnage dont la vérité s’imbrique dans la réalité, celle de Pierre. 

Un point de départ, semblant anodin, tiré d’un fait réel qu’a vécu Pierre Fréha. Mais surtout des émotions, un vrai ressenti de peur, qui l’ont conduit à écrire d’une traite les premières quarante cinq pages de son livre. On se sent immédiatement immergé dans cette histoire, on vit, on aime, on déteste, au rythme du personnage, avec en toile de fond cette barrière infime entre la haine et l’amour existant dans le rapport amoureux, mais ici, transposé à la ville d’Istanbul.

Pierre évoque, avec émotion, l’émerveillement qu’il a connu lors de la découverte d’istanbul. 

 Il a d’ailleurs couché des mots, à cette époque, en forme de déclaration d’amour à cette ville. Des mots couchés, en totale opposition avec le sentiment profond de colère qui l’anime lorsqu’il évoque Istanbul aujourd’hui. Et, au fil du roman, on ressent le parallèle, avec ce qui peut se rapprocher d’un divorce, d’une séparation, on ressent cette douleur sous-jacente.

Le livre peut sembler dur par moment voire violent. On entend exploser une colère, une rancœur face à ce que le personnage a perdu suite à l’évolution inéluctable d’une ville qu’il chérissait tant. 

Baroudeur dans l’âme, Pierre Fréha, avoue que cet attachement spécial, il ne l’a vécu qu’avec Istanbul. Il n’a jamais assisté dans un autre pays à cette violence, si spécifique à la Turquie, pouvant survenir à tout moment, camouflée maladroitement derrière des apparences de fausse normalité. 

Nous échangeons sur le manque de civisme à Istanbul, surtout en voiture, sur des anecdotes de tranches de vie, mais surtout sur l’inacceptable, ce fond d’histoire terrible de génocide et d’oppression occulté sciemment de l’histoire officielle de la Turquie. Un poids, dont les églises et les synagogues désaffectées restent les témoins vivants. Pourtant, la Turquie et les pouvoirs publics en place refusent d’affronter cette réalité et d’endosser cette responsabilité, celle du génocide arménien. Pierre ne retournera pas dans cette ville. Bella Ciao a été salvateur, un véritable cri du cœur. Un besoin de remettre les choses en place sans nul doute. Comme pierre le dit si bien “on ne peut pas gommer l’histoire, c’est tuer les gens deux fois “