Par la rédaction

Il existe certains romans qui sont difficiles à résumer ou à présenter sans révéler toute l’intrigue. L’air du monde comprend de nombreux récits au sein d’un seul et même livre. Au sein de ce texte dramatique, le narrateur s’adresse directement au lecteur, qui occupe alors le rôle de juge. Le personnage en question s’appelle Jérôme Jauréguy et a été arrêté, pour une sombre affaire dont il est supposément accusé. Cet homme vivant en France occupait autrefois un métier qu’il avait choisi et qu’il appréciait, dans le secteur de l’imprimerie. Plus précisément, ce héros ordinaire était opérateur de presse. Ce travail-passion lui apportait de nombreux avantages. Grâce à ce secteur presque artistique pour lui, il pouvait s’évader de son quotidien et nourrir ses ambitions. Malheureusement, son licenciement va marquer un tournant dans sa vie jusqu’alors plutôt équilibrée. Cette rupture va ainsi briser son couple, éloignant son jeune enfant qu’il n’a pas eu le temps d’élever. En conséquence, l’homme sombre progressivement dans la maladie mentale. Encore à ce jour, il est difficile d’estimer quels sont les facteur aggravants, pouvant mener à la dépression. Une chose est sûre : il s’agit d’une véritable pathologie à ne pas sous-estimer. Et ce point est particulièrement bien traité dans ce récit fictif, mais qui met le doigt sur des vérités qui dérangent. 


Alors qu’il s’installe dans un immeuble mal entretenu qui confine son corps et son esprit, Jérôme s’ennuie. Lui qui passe le temps à observer et contempler le petit théâtre des humains remarque qu’il existe quelque chose d’intéressant, de l’autre côté de la fenêtre. Il s’agit d’une école. 

En effet, son immeuble donne sur une cour de récréation. Ainsi, alors qu’il cherche à échapper à son quotidien gris, le narrateur développe un lien particulier avec cet établissement et les enfants qui jouent, crient, s’amusent. Il parvient à communiquer avec eux, mais sans arrière-pensée. Il en vient à prendre des photos, ce qui peut effectivement alimenter la rumeur et confirmer des intentions malsaines. Mais qu’en est-il vraiment de Jérôme Jauréguy ? Est-il un monstre pédophile ou un homme qui cherche simplement un substitut de cet enfant dont il ne peut visiblement plus s’occuper ? 

Au cours de son long plaidoyer, le personnage principal s’interroge sur la société qui l’entoure. Pour cela, il se souvient de petites histoires qui prennent place dans différents endroits du globe. Cependant, un élément en commun va les réunir et c’est bel et bien la violence. Pour respirer et survivre à cette ambiance lourde et irrespirable, il lui suffit de se reposer et de se détendre, en assistant aux jeux des enfants innocents. Grâce à ces scènes, calmes et légères, le lecteur peut respirer et faire une pause dans cette avalanche de noirceur. Il n’est pas rare de croiser de nos jours, des personnes qui sont accusées à tort d’attitudes problématiques. Sur les réseaux sociaux, chacun donne son avis sur tous les sujets possibles et imaginables. On se souvient de David Beckham qui embrasse son enfant sur la bouche ou bien de la talentueuse danseuse Maddie Ziegler, connue pour sa performance dans le clip-vidéo de la chanteuse Sia sur Chandelier. A l’âge de treize ans, l’artiste avait donc dansé en justaucorps couleur chair, ce qui avait indigné l’opinion public. Voir le mal partout ? Est-ce ça la gangrène du monde ? Et pourtant, lorsqu’on l’observe, force est de constater qu’il est effectivement sali de nombreuses manières… 


Il suffit de se pencher sur l’Histoire de l’humanité pour y découvrir des meurtres, mais aussi des attentats et l’exploitation des animaux, des êtres humains. Le lecteur peut-il blâmer le personnage de Jérôme, lorsqu’il cherche à apaiser sa dépression, en s’amusant de voir des petits jouer entre eux ? Ces petits êtres purs n’ont pas encore pris conscience des horreurs perpétrées par leur espèce. Il les prend sous son aile à distance, sans jamais pour autant s’introduire dans l’école ou se montrer lui-même dans la cour. Et pourtant, lorsqu’une jeune enfant de l’école disparaît, c’est toute sa vie qui se retrouve bouleversée. Plus encore lorsque la mère semble mêlée à la triste affaire. Voilà qui est très réaliste, puisqu’on estime qu’une grande majorité des enlèvements d’enfants est perpétré par un proche de la victime. Par ailleurs, c’est cette généralité qui a autant bafoué l’image des parents de la petite Maddie McCann, disparue au Portugal lors de vacances avec ses parents en 2007. A ce jour, la petite n’a toujours pas été retrouvée. 
L’œuvre de Victor Kathémo offre une mise en place lente mais minutieuse, puis une plongée dans les tréfonds d’un cerveau qui se fait du mal et a abandonné tout espoir. Ce n’est clairement pas un roman feel-good, mais il présente une trame originale et une mise en page vraiment recherchée. Pour toutes ces raisons, L’air du monde mérite vraiment d’apparaître sur les bibliothèques des fans de poésie et de plumes de caractère.

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