Par Florence-Laetitia
Imaginée par Lea Germano et Geoffroy, Studio paillette propose une nouvelle façon d’appréhender le vêtement. Il se loue, selon vos désirs, permettant ainsi d’assurer la pérennité d’utilisation de pièces d’exception. Pièces phares, pépites de collections antérieures, à travers son choix pointu et affirmé, le studio démocratise l’accessibilité à des marques de luxe et créatives. Lea Germano s’est confiée sur ce nouveau concept vertueux, apportant une réponse impactante, aux travers d’une industrie des plus polluantes. Interview
Florence-Laetitia, Feat-y
Comment l’aventure Studio Paillette a-t-elle débuté ? Comment avez-vous imaginé ce concept ?
Léa Germano
Alors,j’ai étudié dans des écoles de mode: La Parsons school à New York, la Saint martin school à Londres, et l’IFM. Et en sortant de l’école, je suis devenue styliste dans le secteur du luxe pendant 6 ans. J’ai bossé chez Marc Jacobs puis chez Balmain. J’étais styliste pour la femme, et j’étais témoin dans ces maisons du nombre insensé d’invendus qu’on pouvait y trouver. je voyais ces pièces de collections passées d’une grande valeur qui étaient très bien pensées, très bien fabriquées mais qui perdaient de la valeur dès que la saison était finie. Leur potentiel n’était pas exploité par les marques. C’est tout le problème de la fast fashion. On n’est plus du tout habitué aux vrais prix des produits.
Ce qui provoque une difficulté pour les marques à exister, à être rentable et à toucher une vraie clientèle. Donc, j’ai eu envie de créer un accès à la mode, de démocratiser complètement les pièces de qualité des marques.
Et, je me suis attaquée, en premier, aux invendus des collections passées, parce qu’en fait dans les invendus il y a de très belles pièces qui portent l’ADN de la marque. Donc la sélection que je fais est très importante. La genèse de Studio paillettes est vraiment venue de cette envie de donner accès à la mode, à la fois pour revaloriser les marques et ainsi leur donner un axe RSE de revalorisation des pièces invendues, mais également pour leur faciliter l’accès à une clientèle plus jeune, motivée par une consommation alternative. C’est un nouveau mode de distribution en fait, pour les marques
Florence-Laetitia:
En quelque sorte, on peut dire qu’il est légitime que vous ayez eu ce concept dans la tête vu votre parcours. En revanche, vous avez créé la société avec Geoffroy qui lui, à contrario , ne vient pas du même milieu. Il est issu de la GreenTech. J’aimerais savoir comment vous êtes parvenus à fusionner une vision commune autour de ce projet qui est vraiment axé mode ?
Léa Germano:
J’ai créé le projet avec un associé, à l’époque, qui a créé le site entièrement. Il était designer web. Il a imaginé une expérience utilisateur extrêmement innovante, hyper fluide. Ensuite, Geoffroy nous a rejoint, il y a un an. Il a une expérience sénior, car il a travaillé dans plusieurs grands groupes avec derrière 4 ans d’entreprenariat dans la Green tech. Et justement par la suite, il a eu envie de rejoindre studio Paillette par rapport à l’impact que peut avoir notre démarche. Ici, le type d’industrie, c’est la mode, mais le changement impératif concerne des comportements de fond dans notre société. Et on calculait l’impact environnemental et sociétal de notre démarche. On remplace des actes d’achat avec un impact assez conséquent, ce qui fait que fin 2026, dans notre prévisionnel qui est assez ambitieux mais assez correct aussi, on va économiser plus de 4 milliards de litres d’eau!
L’impact est énorme parce qu’on remplace l’acte d’achat. C’est une industrie extrêmement polluante mais très rentable également. Donc l’idée est de faire shifter les grands acteurs de cette industrie en leur montrant que l’on peut être extrêmement rentable sur un nouveau mode de distribution qui est beaucoup plus durable. On crée ainsi un cercle vertueux.
Florence-Laetitia:
Aujourd’hui vous collaborez avec 27 marques. Mais comment s’effectue votre sélection ?Y a-t- il une notion de durabilité dans les marques en elles-mêmes,comme par exemple avec la marque GANNI ?
Léa Germano:
Tout d’abord, il faut que les produits soient durables. C’est vraiment la condition de base. Après on ne peut avoir uniquement des marques complètement responsables sur toute la chaîne. On se couperait d’énormément de marques pour le coup. L’idée c’est plutôt de transformer profondément l’accès aux marques existantes, aux marques que les gens consomment et souhaitent consommer. Et ainsi, évoluer de façon progressive vers un système vertueux. On se tourne évidemment vers des marques 100% responsables, et aussi vers des marques innovantes telles que Ganni. Mais nous avons également de grandes marques que les gens consomment beaucoup, ce qui permet d’avoir plus d’impact en créant une façon responsable d’accéder à ces marques. Nous collaborons notamment avec des marques comme Inès de la Fressange, Ganni, Closed ect… Et pour les marques plus confidentielles, notre choix se posera vers des marques dont la chaîne de création est complètement responsable.
Florence-Laetitia:
Pourquoi ne pas avoir choisi la vente de stocks dormants ? la location, c’est justement parce qu’il y a une vraie notion d’accessibilité ?
Lea germano:
Il y a plusieurs principes: un vêtement acheté dans le circuit classique est porté en moyenne 5 à 10 fois. Et sa durée de vie, grâce à notre système de location, augmente à plus de 60 fois. Si on commence à faire un double canal, ça décrédibilise notre système de location et ses vertus. Cela correspond à faire du déstockage. Or, nous n’achetons pas les stocks aux marques, c’est réellement un partenariat. C’est en cela que c’est intéressant car nous pouvons être flexibles et travailler sur l’image. Vendre les produits, ce n’est pas la logique qu’on a choisi. Notre système s’apparente à une curation de produits auxquels on donne un accès exclusif à travers la location. Nous sommes une plate-forme de communication différente pour les marques. C’est pour ça qu’elles travaillent avec nous. Toucher des gens en vendant des produits à bas coûts, ce n’est pas notre positionnement. On ne souhaite pas dévaluer la valeur du produit et concurrencer les produits actuels des collections en cours des marques
On ne souhaite pas concurrencer les marques, au contraire, on souhaite recréer de la valeur sur ces produits des collections passées.
Lea Germano
Florence-Laetitia:
Ce concept est unique et vous êtes les seuls à le proposer. Et est-ce que c’est aussi votre expertise, votre regard, vos choix qui font la différence? La raison pour laquelle les marques vous font confiance aussi?
Lea germano:
Vous avez compris totalement ce qui nous différencie. Une différence qui fait qu’aujourd’hui on est vraiment en train de d’émerger comme un acteur leader de ce secteur. Comme je l’ai évoqué, je viens du design, de la création . Et toutes les boîtes qui ont existé dans ce type de créneau sont plutôt créées habituellement par des ingénieurs, des logisticiens, et cetera. C’est une approche très fonctionnelle. De mon côté, j’ai une approche curation mode, ce qui fait que nous avons convaincu les marques de rejoindre notre environnement de marque. Nous avons créé un bel environnement. C’est subjectif, évidemment “bel environnement”, mais j’utilise cet adjectif car dans notre proposition, il y a une cohérence, une attention. Notre force réside dans notre façon de contextualiser, de matcher des produits ensembles et c’est également ce qui nous confère de la valeur.
Florence-Laetitia:
Votre site et Instagram sont extrêmement visuels. Dans la présentation, cela fait penser à des mises en scène de magazines ou de studios photos. Vous mettez aussi l’accent sur la présentation? Vous êtes accompagné d’une équipe de photographes d’ailleurs ?
Lea Germano:
Alors, pour le coup, je fais tout cela seule. On ne pourra qu’améliorer la présentation par la suite. Sur ce sujet précis, l’idée est de rassembler une équipe de photographes, de stylistes, de DA et garder ainsi une certaine cohérence. On fait des shoots qui sont très éditos, très campagnes de mode mais à la fois très joyeux, très abordables. On peut facilement s’identifier à ces personnes diverses. Mais on crée aussi beaucoup de contenus à côté, plus faciles d’accès. On a donc deux axes, des jeux de photos très travaillés avec une vraie intention, une histoire pour chaque look, et de l’autre nous générons sur nos réseaux et grâce nos clientes d’autres contenus. Donc le produit est ,constamment chez nous, recontextualisé de manières différentes. Sur cette facette abordable, on peut se projeter. C’est une sorte de média d’inspiration en fait.
Florence-Laetitia:
vous avez un côté très créatif, ça ne vous manque pas justement de créer des vêtements ?
Lea Germano:
Pas du tout car je crée beaucoup en réalité. Je crée des silhouettes au lieu de créer des vêtements. La créativité s’exprime différemment. La démarche a changé, mais finalement, c’est la même chose, je crée de l’image. Je n’exclus pas de créer une marque derrière lorsque le contexte de consommation aura évolué, que les gens seront moins ancrés dans l’idée de propriété, et plus dans une idée d’accès à la mode de manière locative. Jusque là j’ai été bloqué par l’idée de transformer des ressources alors qu’il y a tellement de marques qui existent d’ores et déjà, qui ont du mal à se faire connaître et qui ne sont pas rentables. Donc je pense qu’ une autre marque ne sert à rien dans ce contexte. Dans l’environnement actuel, je préfère valoriser ce qui existe et lui donner de la substance.
Florence-Laetitia:
Vous avez reçu un prix, il y a peu de temps. Vous êtes incubé depuis peu également .Quelles sont vos perspectives pour la suite ?
Lea Germano:
On a été incubés d’abord dans un incubateur de la ville de Paris, un incubateur généraliste, pas spécialement orienté mode, dans lequel on a vraiment construit notre business model, notre approche financière, technique, même juridique. Après à peu près un an là-bas, on a fait une incubation à l’Institut français de la mode dans le programme entrepreneur, et là, l’idée était de développer notre réseau mode et d’asseoir notre crédibilité dans ce secteur. J’avais déjà un bon background mode mais pas pour la partie business. C’est génial comme école, on a fait cette incubation de 6 mois, on y a gagné le le prix AMI pour la première année de création du prix. On a gagné le prix coup de cœur du jury et on est depuis accompagné par les 2 patrons d’AMI. Ils nous soutiennent dans notre parcours. Ensuite on a rejoint la caserne en avril dernier, l’accélérateur de mode responsable. C’est top, on se retrouve dans un écosystème de jeunes entreprises de mode qui se développent vite et bien. Cela nous a aidé pour la dernière étape qui est en cours en ce moment, la levée de fonds. Dans cet écosystème d’autres boîtes ont déjà levé des fonds. C’est pas évident de se faire entendre dans ce milieu surtout en étant une femme entrepreneure. Mais on est très content, on est sur le point de la clôturer. Aujourd’hui, on a prouvé qu’il y avait une demande des marques, des clientes, des pros de la mode. Il y a une vraie raison d’être pour notre projet. Pour les nouveaux contrats des marques et les nouvelles pièces à venir, il nous faut changer de système logistique et embaucher, investir également dans nos leviers d’acquisition clients. Aujourd’hui on a que des clients de façon organique, donc c’est super encourageant parce qu’on a des très bons chiffres de récurrence de clients notamment.
Florence-Laetitia:
je vais finir sur une question totalement différente: si le studio paillettes était un vêtement, lequel choisiriez vous?
Lea Germano:
Il serait un corset. c’est un peu notre pièce phare. C’est drôle, c’est une pièce qui représente vraiment bien le studio. Une pièce qu’on achèterait jamais, parce qu’ elle n’a pas une réelle utilité. C’est une pièce complètement décorative. Elle est pourtant dans l’air du temps, dans le style. Le corset apporte tellement de cachet à une tenue sans faire grand chose. C’est vraiment l’objet qu’on n’achète pas parce qu’on a pas forcément le budget d’ investir dans un corset en cuir lacé à 300€. Mais pourtant, sur une tenue, ça donne un cachet incroyable, donc je pense que c’est un bon exemple.