Si la conscience des dangers du réchauffement climatique est de plus en plus acquise, le passage à l’action reste plus délicat à mener. Néanmoins, plusieurs moyens sont possibles pour lutter pour la sauvegarde de la planète, comme faire des dons finançant des projets en phase avec l’accord de Paris sur le climat. C’est ce que promeut Manel Pons, un des cofondateurs de 2 degrees Fund. Interrogé par Feat-Y, il explique la démarche de l’association, notamment la sélection des projets les plus prometteurs en fonction de critères en adéquation avec l’accord de Paris, à l’heure où l’un de ces projets, va être soutenu à travers une campagne de crowdfunding, lundi 8 novembre. Interview.

Feat-Y : Comment est-venue l’idée de l’association 2 degrees Fund ?

Manel Pons : Au départ, j’ai vu une vidéo de l’économiste Jeremy Rifkin, dans laquelle il traitait de l’urgence climatique, comment changer le système économique pour éviter le pire, on va dire. Il partait d’un postulat qui est quelque peu une intuition pour lui. C’est qu’il faudrait qu’un milliard de personnes poussent dans une nouvelle direction pour qu’on puisse changer de système économique. Je trouvais cette intuition assez intéressante parce que je pense que pour que ce changement se produise, il faudrait que beaucoup de monde change complètement. Je trouve intéressant de réfléchir à ce qu’on pourrait proposer à un milliard de personnes, des actions simples avec un impact important. De cette réflexion est venue l’idée de proposer aux gens de faire des micro-dons mensuels, à partir d’un euro, de façon à ce qu’on puisse rassembler pas mal d’argent pour soutenir des projets qui peuvent nous aider à changer et à avoir moins d’émissions de CO2. Mais aussi pour accompagner toutes ces personnes dans la réduction de leurs émissions individuelles, en faisant le calcul de leur empreinte carbone et en apprenant à la réduire.

Feat-Y : Vous indiquez, sur votre site, que les dons que vous recevez vont à des projets contribuant à la lutte contre le réchauffement climatique. Comment cela fonctionne ?

M.P : On a voulu rassembler des experts, des citoyens, des entrepreneurs, pour soutenir les projets qui contribuent le mieux à la décarbonation. Pendant six mois, on va à la recherche de projets, on fait un appel à projets, on les examine pour déterminer lesquels d’entre eux ont un plus grand impact dans la réduction de nos émissions. On a commencé par la mobilité, qui est le secteur le plus émetteur de gaz à effet de serre en France. On a repéré 120 projets qui ont un impact positif. On en a sélectionné trois, qu’on a proposé au public pour qu’il puisse choisir le lauréat. Et le lauréat pourra faire une campagne de crowfunding, qu’on soutient, et à laquelle tout le monde peut participer.

Feat-Y : Combien de projets 2 degrees Fund a soutenu depuis ses débuts et sur quels critères sélectionnez-vous les projets luttant pour une économie décarbonée ?

M.P : Là, c’est notre première édition. C’est une édition bêta, on va dire, qui nous permet de tester l’intérêt du public pour le projet et l’intérêt des entrepreneurs pour y participer. On a également testé le fonctionnement du vote et à partir du 8 novembre, ça va être la campagne de crowdfunding. On est dans une phase de test qui a été déjà, pour nous, un grand succès puisqu’on a réussi à intéresser des projets qui sont assez grands, pas mal développés. Pour nous, c’était la première fois. On ne s’attendait à voir cet intérêt de la part des projets. Pour eux, c’est intéressant qu’il y ait des experts qui les ont choisis puis on se concentre surtout sur l’impact en termes de décarbonation. Le public aussi a réagi avec intérêt, car ils ont été plus de 2000 personnes à avoir voté dans cette première édition. 

Pour ce qui est des critères, nos principaux critères d’évaluation des projets sont, d’une part, calculer leur impact en termes de décarbonation. C’est-à-dire, combien de tonnes de CO2 évitées permet chaque projet. D’autre part, il y a aussi le critère de la résilience. C’est-à-dire savoir si ce projet permet d’améliorer notre résilience en France pour l’avenir. Enfin, il y a le critère de la réplicabilité. C’est-à-dire savoir si ce projet est facilement réplicable et donc, si on peut passer à une plus grande échelle permettant d’accroître la réduction des émissions que permet ce projet.

Feat-Y : À l’heure où nous parlons, la COP26, réunie à Glasgow (Royaume-Uni), bat son plein. Quelles sont vos principales attentes au sujet de cette réunion des dirigeants internationaux, six ans après l’accord de Paris sur le climat ?

M.P : Je dirais que la principale attente est qu’ils fassent le nécessaire pour que l’accord de Paris devienne une réalité. C’est-à-dire qu’en ce moment, tout ce que les gouvernements ont prévu de faire, ce qui est assez incertain, toutes leurs promesses nous conduisent à une trajectoire de +2,7°C à la fin du siècle. On est loin des objectifs de l’accord de Paris. La principale attente est qu’ils promettent, au moins, de faire ce qui est nécessaire pour répondre aux engagements pris dans l’accord de Paris.

Feat-Y : Considérez-vous qu’il y a une prise de conscience accrue des dangers du réchauffement climatique ces dernières années, et tout particulièrement depuis la crise sanitaire de 2020 ?

M.P : Je crois qu’en effet, la conscience du fait qu’il y a une urgence climatique, a augmenté. Après, je pense qu’on est encore très loin d’avoir une conscience de l’amplitude de cette problématique et des efforts qu’il faut fournir pour éviter la catastrophe qui s’annonce, si le réchauffement augmente au-delà de 1,5°C. Quand on sait qu’à partir de 2050, chaque habitant devrait émettre pas plus de deux tonnes de CO2/an et qu’on est aujourd’hui à un peu moins de 10 tonnes de CO2/an et par habitant en France, on n’a pas la conscience de savoir comment y arriver. Par exemple, concernant les services de l’État, pour chaque habitant, cela représente 1,7 tonne de CO2/an. Donc, il reste 300 kilos de CO2. Ce qui n’est rien du tout ! Je pense qu’on n’a pas encore pleinement conscience de l’ampleur du problème et de ce qu’il faut faire.

Propos recueillis par Jonathan Baudoin

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