L’abeille est une espèce animale précieuse pour l’humanité, et ce bien plus qu’on pourrait ne le penser. Aux dires de Michaël van Cutsem, cofondateur de BeeOdiversity, dans cet entretien accordé à Feat-Y, elle fait office de « drone naturel » pouvant collecter des données sur l’environnement à travers le pollen collecté, permettant à cette société belge d’analyser les polluants présents et de proposer des solutions auprès des entreprises, des administrations publiques, des exploitations agricoles, pour davantage de biodiversité tout en générant de la valeur économique. Interview.
Feat-Y : Quelles ont été les raisons vous poussant à fonder BeeOdiversity ?
Michaël van Cutsem : La raison d’être de BeeOdiversity est de régénérer la biodiversité tout en créant de la valeur. Il est urgent de s’engager pour la biodiversité vu son déclin or nous avons tendance à en abuser pour générer de la valeur. Chez BeeOdiversity, nous avons la conviction qu’il y a moyen de créer de la valeur en préservant la biodiversité. C’est pour cette raison que nous proposons aux entreprises et aux collectivités publiques de s’engager dans cette direction, de régénérer la biodiversité, de diminuer les polluants industriels et agricoles, tout en créant de la valeur sociale, environnementale et économique pour leurs activités.
Feat-Y : À travers le nom de votre société, on présume que l’apiculture compte à vos yeux et quelle part représente ce secteur dans l’ensemble de l’activité de BeeOdiversity ?
M.vC : Nous avons développé un outil, nommé le BeeOmonitoring, qui permet de monitorer l’état de l’environnement, la biodiversité, les polluants industriels et agricoles via l’abeille. L’abeille est au cœur de notre activité. Elle agît un peu comme un drone naturel. Pour se nourrir, elle collecte du pollen sur une surface importante et le ramène dans la ruche. Nous allons ensuite pouvoir récolter et analyser ce pollen. Vu qu’il contient l’ADN des plantes, nous pouvons identifier les espèces présentes dans la surface surveillée, constater les carences et proposer des solutions pour tout l’écosystème ainsi que des indicateurs d’impact. Ce pollen contient aussi les polluants industriels et agricoles. Nous dressons aussi un état des lieux des polluants présents, le type, la concentration, l’origine et suggérons des solutions. L’abeille fournit donc les données qui nous permettent de développer des projets favorables à la biodiversité, d’en mesurer l’impact, de protéger des captages d’eau, d’améliorer des pratiques agricoles, de mesurer la qualité de l’air de villes, de changer des process industriels.
Michaël van Cutsem : « L’abeille agît un peu comme un drone naturel »
Feat-Y : Quels services votre société propose pour permettre à des entreprises, des administrations ou des agriculteurs, de produire en étant plus soucieux de l’environnement et quelle est la méthodologie employée ?
M.vC : Nous intervenons à différents niveaux. Au niveau stratégique, nous assistons nos clients à intégrer la biodiversité dans leur stratégie, évaluer l’impact de leur activité, définir des indicateurs, mettre en place des plans d’actions pour préserver la biodiversité et valoriser ses services au regard de leurs besoins. Au niveau opérationnel, nous mesurons l’état de la biodiversité et de la pollution sur site via différents outils et méthodes comme le BeeOmonitoring. Dans une deuxième phase, nous conseillons des mesures d’amélioration très ciblées sur base des données récoltées. Et dans une troisième phase, nous mettons en œuvre les actions conseillées et fournissons les indicateurs d’impact. Cela peut prendre la forme d’aménagements qui améliorent la valeur d’un bien et renforcent le bien-être des employés, leur capacité de concentration et leur performance ; ou d’accompagnement pour une meilleure production agricole tout en limitant les pesticides, etc.
Feat-Y : Est-ce que l’essentiel du travail fourni par BeeOdiversity est à regarder du côté des services que vous proposez aux entreprises, aux administrations publiques, aux agriculteurs ? Si oui, dans quelle mesure ?
M.vC : En effet. Ces données et notre expertise ont permis d’améliorer l’environnement et la qualité de l’air de villes en limitant les budgets, de protéger des ressources telles que l’alimentaire, l’eau, etc, d’améliorer la production alimentaire, d’aider des partenaires industriels, immobiliers, carrières et autres pour avoir un impact positif sur le territoire, leurs parties prenantes et leur activité. Nous avons également développé un aménagement spécifique pour les établissements de soin qui permet de réduire les effets de maladies telles qu’Alzheimer, Parkinson, et les risques de chutes. Nous lancerons fin 2021 des outils innovants à destination des citoyens et d’autres acteurs pour également les aider à agir.
Feat-Y : Combien de projets ont pu être menés ou soutenus par BeeOdiversity depuis sa fondation et quels constats avez-vous pu faire sur l’évolution par celles et ceux qui ont sollicité votre société ?
M.vC : Nous menons une centaine de projets par an, actuellement, dans neuf pays en Europe et aux États-Unis. Cela représente plus de 70.000 hectares de surface impactée par an. Initialement les secteurs engagés étaient limités à l’agroalimentaire, l’eau, l’immobilier, etc. Depuis 2020, nous constatons toutefois que de nombreux autres types d’entreprises et de collectivités s’engagent car elles comprennent à quel point cela devient essentiel, en ce compris pour leur activité. Nous avons la conviction que la biodiversité est l’enjeu de demain que ce soit pour les collectivités, les acteurs économiques, les citoyens et tous les indicateurs vont dans ce sens. C’est motivant de voir que chaque année nos clients vont plus loin en termes d’actions ou de sites impactés : à une ville a ainsi quadruplé le nombre d’espèces végétales sur site. Nous y retrouvons des espèces d’insectes qu’il n’y avait plus en Belgique ; nous avons diminué de 25 à 7 le nombre de pesticides identifiés annuellement sur des zones agricoles ; des industriels ont changé leur process pour limiter les émissions des métaux lourds identifiés. Nous sentons une réelle prise de conscience.
Feay-Y : Est-ce que le contexte législatif, avec l’exemple du projet de loi climat en France, doublé du contexte sanitaire, peut servir d’opportunité pour mieux faire valoir ce que propose votre société ?
M.vC : Aujourd’hui, la biodiversité est au cœur des discussions. De nombreux évènements comme le Congrès Mondial de la Nature à Marseille, la COP26 et d’autres l’aborderont en priorité avec, nous l’espérons, des engagements politiques. Des Règlementations européennes vont d’ailleurs dans ce sens. La pandémie semble accélérer cette réflexion, tant mieux. Il est donc évident que des obligations et incitants en lien avec la biodiversité verront le jour dans les prochains mois ce qui engagera d’avantage d’acteurs. Les acteurs visionnaires ont d’ailleurs tout intérêt à anticiper cette tendance. C’est positif pour notre activité mais surtout aussi pour l’environnement et les générations futures. C’est absolument essentiel que le monde politique s’empare du sujet avec une vision long terme.
Propos recueillis par Jonathan BAUDOIN
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