Le COVID, on en entend parler à toutes les sauces. Pourtant, certains corps de métiers impactés sont aujourd’hui dans l’ombre. Feat-y est allé à leur rencontre. Bonne nouvelle : la morosité ambiante n’atteint pas la créativité. La preuve avec le DJ parisien Freddy Jay, qui depuis mars, organise sur les réseaux sociaux le live “Confiney mais Fonkey”.

Feat-Y : Comment êtes-vous entré dans le monde de la musique ?

Freddy Jay : J’ai grandi avec la musique antillaise grâce à mon père. À la maison, il y avait du disco, du reggae, de l’afro et latino. J’aimais aussi beaucoup le funk. J’ai commencé à traîner dans les boutiques de disques quand j’avais une dizaine d’années. J’ai découvert le hip-hop, et j’ai monté mon groupe de hip-hop. Les minutes s’égrainaient comme des secondes et les heures comme des minutes lorsque je faisais du son. J’ai compris que je voulais en faire mon métier. J’ai conservé mon groupe de hip-hop, et une fois étudiant, j’ai commencé à mixer à droite, à gauche pour me faire de l’argent de poche, puis chemin faisant, je suis devenu DJ.

Feat-Y : Comment abordez-vous votre métier ?

F.J. : Je suis un médecin de l’âme ! Je ne suis pas quelqu’un qui passe juste de la musique. Je secoue les gens, je parle à leurs tripes pour qu’ils arrivent à poser leurs cerveaux. Dans toutes les civilisations, il y a toujours eu un exutoire annuel collectif, comme le carnaval. On est humains, on a besoin d’évacuer les choses. La danse, la musique, la fête : voilà des moyens naturels et conviviaux d’éliminer le stress et toute forme de tension. Or, on est privés de ça en ce moment. C’est là que mon métier a pris une tournure particulière. Je me suis demandé comment améliorer la réalité avec mes armes. Pour moi, c’est ça, le rôle d’un artiste.

Feat-Y : Vous avez créé le live “Confiney mais Fonkey” dès le premier confinement. Racontez-nous son origine !

F.J. : Le premier jour du confinement [le 17 mars, N.D.L.R.], je devais aller mixer. Évidemment je n’ai pas pu le faire, mais tout était déjà prêt. Vu qu’on était tous à la même enseigne, j’ai décidé de mixer chez moi, dans ma cuisine, en live sur Facebook. Ça m’a fait du bien, et ma fille m’a rejoint avec son clavier.

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Feat-Y : Quels ont été les retours des gens après le premier live ?

F.J. : Ils ont été très bons : ils m’ont dit que ça les aidait. Du coup, on a continué pendant les 56 jours du confinement. On a même fait quelques sessions supplémentaires en soirée. On a aussi écouté les conseils pour proposer quelque chose de plus qualitatif, en termes de son et d’image.

Feat-Y : Vous parlez de « communauté » pour décrire ceux qui vous regardent.

F.J. : Oui ! On a fait partie des premiers à faire des lives. Cela a eu un effet boule de neige : les gens ont partagé, puis une communauté s’est créée autour de “Confiney mais Fonkey”. Ils discutent entre eux pendant que je mixe, il y a des centaines de commentaires à chaque fois. Je ne voulais pas faire payer les lives, alors on a sorti des tee-shirts et des sweats, pour que les gens puissent nous aider s’ils le souhaitent. À la sortie du confinement, j’ai réinvesti l’argent gagné pour organiser une soirée, afin que chacun puisse se rencontrer. Ils ne s’étaient jamais vus, et pourtant c’était comme une famille !

Feat-Y : Quel est le public ?

F.J. : Au début, j’ai fait ce live pour égayer le quotidien des gens de Paris qui étaient seuls et vivaient dans un 20 m², puis on a réalisé que ça attirait des personnes venant de toute la France, et même d’ailleurs : Toulouse, Bordeaux, l’île de Ré, Marseille, San Diego, Montréal, Los Angeles, Martinique, Guadeloupe, La Réunion, Saint-Martin… Il y a toutes les couleurs, toutes les religions, toutes les régions. À part les post-ados/ados, tout le monde nous regarde ! Quelque chose de magique s’est créé. Les gens sont bienveillants les uns envers les autres et ont besoin de rester en contact. Je ne pouvais pas arrêter ça sous prétexte du déconfinement. On a continué les lives, le vendredi et le dimanche. Aujourd’hui, on en a fait plus de 100 !

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Feat-Y : Qu’est-ce que ce live vous apporte personnellement ?

F.J. : Je me suis enrichi en donnant. C’est ce qui m’a permis de tenir ! La vraie richesse, ce n’est pas l’argent, mais c’est le fait de ne pas être isolé. Je n’ai pas cherché à plaire, j’ai été moi à 100 %. Je joue des musiques que l’on n’entend pas à la radio, et je suis toujours à la recherche de nouveautés. Je ne m’attendais pas à ce qu’autant de gens adhèrent et restent fidèles ! Ils sont ouverts d’esprits et boulimiques de curiosité. C’est une belle surprise.

Feat-Y : Cette année, en quoi la pandémie de COVID-2019 et les deux confinements ont-ils impacté votre métier ?

F.J. : Il y a plusieurs violences pour nous. Elle est d’abord financière : on ne peut plus gagner notre vie. Il y a également une violence par rapport à la dignité. Une personne existe par le métier qu’elle exerce. Les discothèques sont les seuls lieux qui n’ont pas pu rouvrir. On n’a jamais été évoqués par le Gouvernement. C’est comme si on n’existait pas. Cette violence est inédite. Je me sens utile en live, j’aide les gens à se sentir mieux, et pourtant, aujourd’hui en France, je suis officiellement inutile.

Feat-Y : Avez-vous malgré tout des projets ?

F.J. : On sera les derniers autorisés à reprendre notre métier. Personne ne sait ce qu’il va rester de ce tissu économique : les lieux, les organisateurs, les boîtes d’événementiel… J’espère pouvoir sortir mes projets, développer des concepts. J’organise par exemple une tombola pour Noël. Pour l’instant, je continue les lives et je suis dans une logique de débrouillardise. Les lives portent l’idée qu’on peut réaliser de belles choses quand on est tous ensemble. J’espère conserver cette dynamique post-confinement. L’avenir des musiciens n’est possible que si le monde prend conscience de notre importance !

Propos recueillis par Mélanie Domergue

Infos :

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