Aller au cirque, se rendre à un concert, s’émerveiller devant un spectacle… Ces choses-là nous semblent lointaines. Nous les retrouverons bien sûr, mais cela sera-t-il comme avant ? Nous avons discuté de la situation actuelle avec Alexandre Hourdequin, directeur depuis 16 ans de l’agence artistique et société de production de spectacles Talents et Productions.
Feat-Y : Que propose Talents et Productions ?
Alexandre Hourdequin : Talents et Productions est basée à Monaco. Son but est de produire des spectacles dans le secteur de l’événementiel. Ils ont lieu en France, mais essentiellement à l’étranger : aux Émirats arabes unis, en Suisse, en Chine, etc.
Feat-Y : Pouvez-vous citer quelques événements sur lesquels vous avez travaillé ?
A.H. : Il y a l’arbre de Noël de l’Élysée, sous l’ère des présidents Nicolas Sarkozy et François Hollande. Nous avons aussi participé aux cérémonies d’ouverture des Jeux olympiques de Sotchi, en 2014. L’année dernière, nous avons produit l’événement « Les lumières légendaires », au Palais Longchamp de Marseille, puis au Mans. Il s’agit de près de 300 à 400 sculptures métalliques, recouvertes de soie et peintes à la main, dans lesquelles sont installées des lumières LED. Plusieurs milliers de personnes se sont rassemblées chaque soir ! On devait le refaire cette année, en passant par Marseille, Bordeaux et éventuellement Rennes, mais la situation actuelle ne nous le permet pas.
Feat-Y : Comment la Covid et les deux confinements vous ont-ils impacté ?
A.H. : Nous avons commencé à ressentir une grosse baisse d’activité au mois de mars, puis ça a été désert pendant le premier confinement. Entre les deux confinements, nous sommes repartis de 0 % à 10 % de chiffre d’affaires. Actuellement, nous sommes retombés à 0 %. Nous avons recours à beaucoup d’artistes étrangers, or, ils ne peuvent pas voyager. Quant aux entreprises, elles ne veulent pas mettre de budget dans les événements, pour éviter les rassemblements. Au-delà de l’aspect financier, nous sommes aussi en difficulté au niveau de la communication. Si quelqu’un vient à un événement et attrape la Covid, ça serait mal vu et mal venu.
Feat-Y : D’après vous, les événements virtuels sont-ils une bonne alternative ?
A.H. : Nous parlons beaucoup d’événements virtuels, pour se remonter le moral. Des artistes essaient de faire des prestations à travers Zoom, mais une visioconférence, c’est rarement drôle. Un événement online peut paraître excitant sur le papier, mais en réalité, c’est un vrai flop. De plus, il n’y a pas beaucoup de demandes, ça coûte presque plus cher que le montant initial, et le rendu n’est pas très bon. Quand on va voir un spectacle, on a besoin de la chaleur humaine et d’entendre la réaction du public, que l’on soit artiste ou spectateur. Aujourd’hui, le spectacle vivant n’est plus vivant.
Feat-Y : Si on vous dit « reprise », vous nous dites…
A.H. : Nos chiffres devraient s’améliorer d’ici septembre 2021. Nous espérons que tout reprendra bien avant ! On parle de vaccins : même si les Français sont réticents à cette idée, cela pourrait être un facteur déclencheur pour reprendre goût à la vie normale. Au moins, le Gouvernement aura une excuse pour laisser les gens reprendre le cours de leur vie.
Feat-Y : Les deux confinements vous ont-ils permis de réfléchir à de nouveaux projets ?
A.H. : Oui et non ! Quand on travaille dans ce milieu, ce n’est pas un métier mais une passion. Sans qu’on le veuille, on réfléchit toujours à de nouvelles formes de spectacles. Or, malgré les belles idées qui arrivent, on se dit qu’on ne peut pas les créer actuellement, alors arrive la question : à quoi bon ? Il y a des idées et des choses sur le feu, mais reste à savoir quand nous pourrons les appliquer.
Feat-Y : Avez-vous déjà une idée du monde de l’événementiel post-Covid ?
A.H. : D’un point de vue personnel, je pense que beaucoup de choses vont changer. Étant en partie agent artistique, je représente des artistes pour qu’ils se produisent ici et là. Je crois que cette branche d’activité va un peu disparaître. Et puis, pendant le confinement, beaucoup de gens ont passé du temps en ligne et ont visionné essentiellement des vidéos et des photos. Sans qu’ils s’en rendent compte, le comportement des spectateurs a changé — ou changera. En regardant des vidéos ou des photos, on zappe quand cela ne nous plaît pas, comme sur Instagram ou Facebook. Notre temps d’attention a énormément diminué : il est passé à 8 secondes. Désormais, difficile d’imaginer ces mêmes personnes rester assises dans une salle de spectacle pendant une heure et demie… Beaucoup de formes de spectacles vont devoir évoluer.
Propos recueillis par Mélanie Domergue
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