Par David Xoual
Alors que l’écrivain-journaliste vient de publier L’Enragé narrant le destin de mineurs enfermés dans
un bagne dans les années 30, retour sur son livre Enfant de salaud où Sorj Chalandon brosse le
portrait de son père, moitié mytho moitié collabo…
Longtemps, Sorj Chalandon a cru son père et ses histoires à dormir debout dans lesquelles il fut, tour
à tour, résistant, agent de la CIA, ferronnier, professeur de judo… Manque de pot, la vérité est
ailleurs et sort de la bouche de son grand-père, un soir au coin du feu : « Je l’ai vu habiller en
allemand à Lyon… Tu es un enfant de salaud. » Habillé en allemand sous l’Occupation, la révélation
claque comme un coup de fouet pour le journaliste du Canard Enchaîné et de Libération qui décide
d’enquêter et de s’enfoncer dans le brouillard de l’Histoire et de la psyché paternelle. Ici, point de
fact checking à la va-vite, il faut prendre son temps pour démêler le vrai du faux, faire remonter la
vérité d’une époque trouble que beaucoup aimerait glisser sous le tapis. Par chance, l’écrivain a des
amis fidèles au bras long qui lui permettent de mettre la main sur le dossier judiciaire de son père à
la sortie de la Seconde Guerre mondiale. Le lecteur découvre piano piano le CV peu reluisant de papa
Chalandon tandis que le narrateur-Sorj assiste au procès de Klaus Barbie à Lyon pour le compte de
son journal. Deux temps, deux époques qui s’entremêlent entre témoignages de rescapés de la
Shoah et les découvertes du fiston à propos de son aïeul. Le style est cru, sec et tranchant à la
manière d’une lame de couteau. Il faut dire que le père a fait du mensonge un art de vivre. A force de
ressasser ses mythos, il finit même par y croire. Une véritable descente aux enfers, un voyage au pays
de la folie pour Sorj Chalandon qui aurait presque préféré que son père soit juste un collabo, mais
pas tout ce bordel, où finalement il ne sait plus sur quel pied danser. C’est triste, c’est beau.
Enfant de salaud, Sorj Chalandon, éditions Grasset