Par David Xoual

Lena Dunhan, la créatrice de la cultissime série Girls, donne à voir une énième facette de son talent dans Sharp Stick. Soit trois femmes, trois degrés de l’humanité ; une mère accro qui croit dur comme fer à l’amour (et autres substances new age), une fille adoptive pensant percer sur les réseaux et Sarah Jo. Celle par qui on s’immisce dans ce film méconnu. Un film majeur. Mineur s’abstenir…
Tout est juste. Tout est beau. Il faut habiter ou avoir habité Los Angeles pour comprendre Sarah Jo, mi-femme mi-enfant vêtue de socquettes et de col claudine. Sarah Jo est aussi belle que naïve et singulière. Elle semble paumée dans ce monde qui va trop vite, dans cette famille recomposée, cinglée et attachante, au milieu de cette époque et cette ville faite de faux semblants. Sarah Jo a 26 ans, s’occupe de l’enfant handicapé d’un couple et tombe amoureuse du mari. Un éphèbe de 50 balais qui passe ses journées avec son fils, fume des joints pendant que son épouse semble occuper un bon poste qui leur permet d’avoir une baraque tout en baies vitrée. Le type est cool, le mec est beau comme une gravure Calvin Klein. Cerise sur la libido, il est drôle. Repousse dans un premier temps les avances de la jeune fille en fleur. Il n’en faut pas plus à Sarah Jo pour s’accrocher et coucher avec lui. Ici, tout est inversé. Toutes les valeurs patriarcales sont renversées avec une finesse et une intelligence rare. Un sex education à rebours qui fait la part belle aux femmes et à leur solitude. Une solitude universelle où la caméra plume de Lena Dunhan invite le spectateur à explorer la psyché et le journal intime de Sarah Jo. Un journal bien corsé quand le personnage comprend que l’homme de sa vie s’est foutu de sa gueule. La vengeance est un plat qui se mange chaud chez Dunhan. Très chaud, à la limite du malaise. Un malaise salvateur avec en point d’orgue une scène mémorable où elle rencontre sa nouvelle idole : un acteur porno. Drôle, émouvant et intelligent.


Sharp Stick, Lena Dunhan, sur Prime Video