A la fin des années 1920, George Orwell se retrouve à Paris, bien décidé à lancer sa carrière littéraire. Sans le sou, il côtoie le peuple d’en bas, les trimardeurs, les ouvriers, les vagabonds, les prostituées… Au carrefour entre le roman autobiographique et le journal de voyage, Dans la dèche à Paris et à Londres raconte son expérience de la mouise.

1928, Paris. George Orwell débarque dans le quartier de la Contrescarpe après avoir démissionné de la police coloniale où il travaillait en Birmanie. Orwell s’appelle encore Eric Blair. Il veut devenir écrivain au grand dam de sa famille. A Paris, il veut marcher sur les traces d’Hemingway. Pour lui, la fête tourne court après le vol de ses économies. Il se retrouve au Mont-de-Piété à mettre ses habits en gage contre quelques francs. Chaque jour, il faut redoubler d’imagination pour trouver de quoi manger, boire et fumer. L’étudiant du prestigieux Eton College découvre la misère. « C’est la petitesse inhérente à la pauvreté que vous commencez par découvrir. Les expédients auxquels elle vous réduit, les mesquineries alambiquées, les économies de bouts de chandelle. » Il n’est plus question de penser ou d’avoir des projets. Quand le ventre est vide, difficile de faire des plans sur la comète. Si Orwell s’autorise quelques analyses sociologiques, ce sont ses descriptions qui font mouche à l’image des arrière-cuisines de l’hôtel X où il travaille en qualité de plongeur, « l’un des esclaves du monde moderne », dit-il. A la fin de 1929, Orwell rentre à Londres où l’attend un emploi auprès d’un jeune handicapé mental. Malheureusement, le job n’est plus d’actualité quand il arrive. Alors, il poursuit son immersion chez les indigents. Il séjourne dans des asiles, des hospices, assiste à des offices religieux contre une tartine et un thé. En Angleterre, il découvre une nouvelle foule d’anonymes comme à Paris avec notamment un artiste de rue qui gagne sa vie avec des dessins humoristiques réalisés à la craie sur le bitume. Des trimardeurs, des vauriens, des poivrots, des chiffonniers, des débardeurs que l’écrivain tend à réhabiliter. « Jamais plus je ne m’attendrai à ce qu’un mendiant me témoigne sa gratitude lorsque je lui aurai glissé une pièce, jamais plus je ne m’étonnerai que les chômeurs manquent d’énergie. »

Dans la dèche à Paris et à Londres, George Orwell, éditions 10/18

Par David Xoual