Né en 1981, Jean-Baptiste Del Amo est l’une des plumes les plus talentueuse de la nouvelle génération. Sensible, érudit et résolument engagé, l’auteur ne brosse pas le lecteur dans le sens du poil. Chez Del Amo, la langue – sous ses plus beaux atours – vous éclabousse de sa vérité, parfois dérangeante, souvent malaisante. Dans Règne animal, Prix du Livre Inter 2016, l’écrivain ne déroge pas à la règle. Un roman-monde agricole dans lequel l’écrivain balance son porc. Un gros cochon nommé élevage intensif, incarnation des dérives de l’industrie agro-alimentaire en particulier et du monde moderne en général. 

Tragédie grecque dans le Gers. Règne animal retrace l’histoire d’une ferme familiale vouée à devenir un élevage porcin industriel. Un roman ambitieux en deux parties couvrant les prémices de la Première guerre mondiale aux années 1980. Soit trois générations d’une famille de pauvres agriculteurs qui petit à petit va construire sa propre chute. Comme les Atrides, la tribu est maudite. Les messes basses du village le confirment. Les mauvaises récoltes aussi. La découverte d’un bas de laine signe le début de la fin. Parfois la nature offre un refuge aux personnages comme la petite Eléonore ou son arrière-petit-fils, soixante ans plus tard, qui préfère la compagnie des arbres à celles des enfants de son âge. De toute façon, le petit Jérôme est autiste. On se moque de lui. Difficile d’en dire plus. Le roman ultra documenté s’apparente à une descente vertigineuse. La langue de Del Amo est précise, le style âpre comme le labour ne laisse place à aucun doute. Certains passages sont difficilement supportables. Et pourtant, il faut les lire, les entendre résonner dans notre tête comme les truies qu’on maltraite, les porcelets qu’on éclate sur la dalle de béton. Le malheur s’infiltre insidieusement, la tragédie déborde de la fosse à purin. Les hommes se déshumanisent, les bêtes s’affaiblissent. Tout ça va mal finir. 


Règne animal, Jean-Baptiste Del Amo, Gallimard

Par David Xoual