Il se montre au détour d’un bon livre, d’un paysage ou d’un ciel étoilé. Il arrive sans prévenir. Il est essentiel à la vie et pourtant nous avons du mal à le reconnaitre lorsqu’il se présente. Nous luttons encore plus difficilement pour y avoir accès. L’émerveillement, c’est une capacité que nous perdons au fur et à mesure de notre vie. Il est pourtant incroyablement vital. Pourquoi sommes-nous si ignorants face à cette capacité pourtant enfantine et nécessaire ? Car, si le mois de décembre lui est généralement consacré, nous avons souvent tendance à l’oublier le reste de l’année.

Qu’est-ce que l’émerveillement ? 

L’émerveillement est une notion complexe, et il me semble un peu paradoxal d’en donner une définition bien cadrée que l’on pourrait trouver dans un dictionnaire. Parce que, par essence, il advient lorsque quelque chose sort des cadres que nous connaissons. L’émerveillement, c’est avant tout une surprise. On est rarement émerveillé par la beauté de son bureau un lundi matin. C’est aussi un sentiment de beauté. Si je devais utiliser une image pour le décrire, je penserais à des milliers de lucioles qui volent sur un fond de forêt nocturne. 

C’est aussi quelque chose qui passe par les sens. On s’émerveille d’une musique, d’une image, d’une couleur… Mais encore faut-il les percevoir et les retenir. Enfant, nous sommes avides d’expériences. Mais cela change avec l’âge et, petit à petit, nous nous ouvrons moins à notre environnement. L’émerveillement devient alors moins évident. S’émerveiller de nouveau, c’est avant tout s’ouvrir au monde. 

L’émerveillement, c’est la faculté de trouver de la poésie, du beau, dans les petits instants du quotidien. C’est ce moment qui sort de notre routine pour nous amener vers l’exception. Et ceux qui s’émerveillent sont les curieux. C’est l’inverse de la lassitude.

Le plaisir de l’émerveillement 

On s’émerveille de la nouveauté, de ce qu’on ne comprend pas. S’émerveiller, c’est aussi accepter qu’il existe des choses inexplicables, et les apprécier telles qu’elles sont. C’est se rendre disponible mentalement à l’instant pour ce moment exceptionnel. 

On peut s’émerveiller de tout, aussi bien des choses du quotidien que de grands spectacles. Un paysage, une belle œuvre d’art, le vol d’un oiseau ou l’épanouissement d’une fleur. Ce qui compte, c’est la beauté que l’on perçoit dans ces choses. 

Mais c’est aussi ce à quoi nous amène l’émerveillement qui le rend si important. Il est intimement lié avec l’imagination. Cette occurrence nous offre un voyage au sein de notre esprit. 

Car lorsqu’on s’émerveille, on pose un regard différent sur le monde. On s’ouvre sur notre relation avec lui et les possibles qu’il contient. Si ça, cet instant, peut exister, alors tout est possible. C’est une passerelle entre le réel et l’imaginaire, et c’est du pain béni pour l’écrivain ou l’artiste. L’inspiration se puise dans ce qui nous entoure. On dit souvent que les écrivains sont de grands enfants, c’est peut-être parce qu’ils ont gardé ou retrouvé cette capacité. Repérer tous ces détails qui sortent de l’ordinaire au quotidien permet de nourrir son inspiration. La fascination que l’on peut trouver face à une lumière singulière, au pli d’un tissus ou au contact d’autrui peut déclencher toute sortes de chimères. 

La lutte contre la lassitude 

L’émerveillement nous permet de trouver du renouveau dans notre quotidien. C’est l’exception. Il nous fait voir les choses sous un jour différent. Pas parce qu’il advient, mais parce qu’à cet instant on est ouvert à lui. Il nous fait accepter de perdre le contrôle quelques instants, et nous fait même y prendre du plaisir. Il nous permet de considérer la vie à l’instant, telle qu’elle est, sans obligation de devenir. Il ouvre ainsi tous les possibles. Pour cela, c’est une notion vaste. S’ouvrir à cette capacité d’enfant que nous avons perdu nous permet de lutter contre la lassitude. L’émerveillement brise la routine. Enfant, il est lié à la découverte. Les jeunes prennent peu à peu contact avec le monde et s’enthousiasment pour des choses belles que les adultes ne voient même plus. C’est la nouveauté qui leur permet de s’émerveiller. Mais après des années sans voir ces choses, ne pouvons-nous pas les redécouvrir avec la même joie ? C’est la diversité de la vie qui s’exprime et se perçoit par l’émerveillement. Et elle nous arrive en plein la face par l’expérience de la réalité. L’émerveillement de l’enfant passe par l’expérience. Mais celui de l’adulte passe par le regard qu’il pose sur le monde et sa capacité à s’abandonner à lui, à s’ouvrir à l’imprévu. 

En un sens, l’émerveillement fait partie de l’essence de la vie. Sans lui, on ne fait que survivre, se mouvoir. Avec lui, on voit et on ressent. C’est pour cela qu’il est si essentiel. On peut s’émerveiller de tout, alors pourquoi ne pas en profiter ? Et si nous observions un peu mieux ce qui nous entoure ?