Change Now 2021

Permettre aux entreprises œuvrant dans le numérique d’atteindre la sobriété au niveau environnemental, voilà le défi que relève Greenspector depuis 10 ans. Thierry Leboucq, fondateur de l’entreprise, a expliqué auprès de Feat-Y la raison d’être de l’entreprise et l’accompagnement « bienveillant » qu’offre Greenspector pour une politique éco-responsable de la part des entreprises présentes dans le numérique et le souci de sensibiliser le grand public sur cette question. Interview.

Feat-Y : Quel a été le déclic pour arriver à fonder Greenspector ?

Thierry Leboucq : Le déclic a été de faire le lien entre les sujets du numérique, dans lesquels j’ai eu un parcours de plus de 20 ans, croisé avec le sens environnemental. On voit bien que le numérique a été traité pendant de longues années sans faire attention à la ressource, sans faire attention à des sauts technologiques qui nous embarquent dans des usages de plus en plus impactants. L’idée de Greenspector est d’accompagner des démarches de réduction d’impact pour les entreprises et de sensibiliser plus largement les acteurs, les consommateurs du numérique sur les enjeux environnementaux du numérique. 

Feat-Y : Peut-on dire que Greenspector, du fait de son nom, fait office d’inspecteur sur la qualité des applications numériques et de leur empreinte écologique ?

T.L : C’est un peu la logique qu’on a voulue, derrière ce nom, initialement. C’était l’idée de dire : « On va créer une solution qui va permettre de contrôler, de mesurer ». Mais le contrôle n’est pas la seule partie. L’objectif est d’aider les entreprises à progresser. Il y a une inspection par la mesure dans une logique « bienveillante », dans le sens où on vient pour apporter un éclairage et des solutions. L’inspection d’un service numérique, d’une application mobile, d’un site web, ou d’un objet connecté, nous permet d’apporter des moyens d’agir par la mesure et le contrôle de cette consommation de ressources et d’énergie. C’est l’objectif que s’est fixé Greenspector :  pouvoir accompagner les entreprises à intégrer cette démarche dans leur chaîne de fabrication.

Feat-Y : Les services que propose votre société sont dirigés aux particuliers et aux entreprises. Quelle est la proportion de l’un et de l’autre dans l’activité de Greenspector ?

T.L : On n’a pas d’activité économique à destination des consommateurs. On s’adresse aux organisations, à ceux qui produisent du service numérique. Même si, effectivement, dans nos messages, on interpelle les consommateurs de ces services numériques pour faire un peu bouger les lignes. On pourrait dire malicieusement que, tant qu’on ne pas dénoncé des surconsommations dans   les services numériques, les organisations continuent à ouvrir les vannes et à consommer. Par exemple, quand on publie un article sur la vidéo en streaming, on sait très bien que 80% du trafic Internet, aujourd’hui, est lié à de la vidéo. Forcément, tous ces gros acteurs mondiaux sont vus comme les gros pollueurs numériques. Et si on n’avait pas fait savoir à nos utilisateurs à ce sujet, peut-être que ça n’aurait pas fait réagir les entreprises du numérique qui sont, pourtant, de gros consommateurs de plateformes en réseau. 

Mais on est également une entreprise à mission de par nos statuts, ayant pour vocation également de sensibiliser les consommateurs d’information, pour qu’ils puissent avoir des données sur ces consommations, ces impacts. On se donne aussi pour objectif d’intervenir dans les écoles supérieures ou les universités, notamment pour réaliser des conférences et montrer des manières d’agir et en tant que citoyen et en tant que futur concepteur du numérique dans les entreprises.

Feat-Y : Avez-vous observé une évolution de la part des sociétés ou des individus qui ont fait appel à Greenspector, ces dernières années ?

T.L : Ça fait 10 ans qu’on travaille sur ces sujets. On a clairement vu des précurseurs dans nos premières années et aujourd’hui, on sent depuis deux ans, une prise de conscience beaucoup plus forte et surtout un passage à l’action qui est en train de se traduire de plusieurs manières :  de plus en plus d’entrants sur ce marché, qui veulent adresser cette problématique, de plus en plus de conférences, de plus en plus de recherches académiques. On sent qu’il y a une montée en puissance du sujet. Côté clients, on constate qu’il y a de plus en plus d’entreprises, d’organisations, qui veulent intégrer cette dimension dans leur projet, qui veulent se mesurer, se comparer, bénéficier des effets de levier pour changer par rapport aux mauvaises habitudes prises au fil des années dans le numérique. Ce n’est pas encore un raz-de-marée. C’est encouragé par les lois votées en première lecture par le Sénat en janvier 2021 pour encourager et contraindre à la sobriété et l’éco-conception numérique. On voit bien que tout cela va entraîner les organisations publiques et le secteur privé dans l’objectif de réduire leur impact sur leurs services numériques.

Thierry Leboucq

Feat-Y : Quels sont les principaux conseils que vous donnez pour atteindre une sobriété numérique ?

T.L : Les conseils sont toujours adaptés car chaque contexte technique et fonctionnel est différent. On peut néanmoins donner quelques grandes règles. Le principe de frugalité fonctionnelle, faire attention à ce qu’une fonctionnalité soit utile. Après, il y a des débats philosophiques autour de l’utilité. On pourrait se dire : « Est-ce que les jeux ou vidéos sont tous utiles ? Par exemple. On voit que l’aspect fonctionnel est un des aspects prépondérants dans la recherche de la sobriété numérique. Développer une fonctionnalité qui n’est pas utilisée, c’est déjà un impact qu’on aurait pu éviter. Sur l’ensemble de la chaîne de conception, de fabrication, on va devoir faire attention au codage, à l’architecture, à tout ce qui va s’intégrer dans un service numérique. Là, le conseil qu’on donne est : « Bien sûr qu’il y a des bonnes pratiques. Mais les bonnes pratiques sont remises en question par des choses qu’on ne peut pas mettre sous la forme d’une bonne pratique. Mesurez-vous continuellement quand vous fabriquez, pour vous assurer que vous n’allez pas intégrer dans votre service numérique quelque chose qui va dégrader votre application ou votre site et que vous ne maîtrisez pas ». Aujourd’hui, le numérique, c’est beaucoup de briques (bibliothèques, frameworks, services externes, …) qu’on assemble pour le développeur. Dans ce sens, on maîtrise moins le code logiciel qu’on pouvait le maîtriser il y a quelques années.

Le dernier conseil, qui est au bout de la chaîne, c’est de maîtriser sa chaîne de contribution contenus. Qu’elle soit adressée à ceux qui fabriquent ce contenu qu’on va diffuser, que ce soit de la vidéo, de l’image, etc. Il faut que ce contenu soit approprié à l’appareil, à la taille de l’écran de son usage. Il faut éviter de charger des modules vidéo qu’on ne regardera et qui seront pourtant préchargés. C’est toute cette logique de contenus qu’on doit prendre en considération. Côté utilisateurs, comment les embarquer dans cette démarche de sobriété numérique ?« Ai-je vraiment besoin de consulter une vidéo HD sur un smartphone, sachant que je suis sur un réseau 4G qui est plus impactant ? » bien sûr que non : dégrader son besoin dans ces conditions n’a pas d’impact sur son expérience. Ces messages peuvent lui être donnés en regard des impacts occasionnés pour lui permettre d’agir à son niveau. On peut, sur l’ensemble de la chaîne, que ce soit fonctionnel, ergonomique, technique, ou du le contenu travailler l’éco-conception numérique. La sobriété numérique n’est pas un sujet technocentré.

Jonathan Baudoin

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