Reporter, aventurier, journaliste, engagé volontaire durant la Première Guerre mondiale, cannibale à ses heures perdues, William Seabrook est une odyssée à lui-seul. Un homme-monde, bigger than life, adepte de sado-masochisme et de voyages intérieurs. Dans Sans répit, l’ami de Man Ray va à confesse comme il menait sa vie, entre démesure, passion et élégance. 

Né en 1884, William Seabrook grandit au Kansas dans une famille bourgeoise guidée par un père pasteur et une mère qui rêvait d’autre chose. Durant son enfance, le clan bourlingue au grès des affectations du paternel. Premier indice de la soif d’ailleurs du futur aventurier qui exercera mille métiers pour autant de vies. Des débuts de sténographe à la Central Railway, il finira par rejoindre le groupe de presse de William Randolph Hearst. Dans Sans répit, il explique par le menu les codes du « yellow journal », la presse à sensation : « Les sujets sur la société étaient les plus simples. Vous mettiez les individus sur un piédestal puis, sournoisement, vous leur faisiez un croc-en-jambe. Si cela concernait quelqu’un qui méprisait M. Hearst, vous le trainiez dans la boue. » Entre deux papiers sur des meurtres sordides, William Seabrook en profite pour voyager et écrire. Des Bédouins à Haïti en passant par les tranchées de Verdun, le briscard écume la planète. C’est à lui qu’on doit la popularisation du terme « zombie » et L’île magique, ouvrage consacré au vaudou en Haïti. Le livre de chevet de Michel Leiris. De rencontres en beuveries, il part en Afrique noire sur les conseils de Paul Morand. Là-bas, notre gaillard fraye avec des tribus anthropophages et s’invite à la table des cannibales où l’on reste sur ses gardes en lui servant du chimpanzé. William Seabrook flaire l’entourloupe et finira par assouvir son envie par l’intermédiaire d’un interne de la Sorbonne qui lui procure un morceau de macchabée. Résultat, un ragoût servi avec du riz et un verre de pif. La barbaque avait « le goût d’un veau à pleine maturité », dira-t-il. Mort en 1945, William Seabrook écrira pour le New York Times, le Reader’s Digest et Vanity Fair. Lire Sans répit, c’est plonger dans un monde englouti, rencontrer les figures de la Lost Generation, les quartiers interlopes de New York, la faune de la haute bourgeoisie, les fumeries d’opium de Toulon… Un livre à boire sans modération. 

Sans répit, William Seabrook, Rue Fromentin

David Xoual