Le plastique est une matière répondant à de multiples usages pour l’espèce humaine mais dont la lente décomposition et la faible capacité de recyclages sont sources de pollution gigantesque. Pour vouloir y remédier, la société Carbiolice tient à proposer un additif permettant de transformer le plastique d’origine végétale en compost, afin de le rendre biodégradable. Néanmoins, Nadia Auclair, fondatrice de Carbiolice, tient à souligner dans cet entretien accordé à Feat-Y que cette solution doit se combiner avec d’autres, présentes et futures, pour augmenter la part de plastiques recyclés ou compostés à l’avenir. Interview.
Feat-Y : Comment est venue l’idée de fonder Carbiolice ?
Nadia Auclair : L’idée est venue de plusieurs constats. Le premier, c’est celui de la pollution plastique, le second, ce sont les limites des solutions actuellement en place pour gérer les déchets qui en sont à l’origine. On s’est rendu compte qu’en-dehors des bouteilles et flacons, le taux de recyclage sur les plastiques est uniquement de 5%, souvent parce que les emballages sont trop fins, souillés ou multi-matériaux. Il était donc primordial de trouver des solutions complémentaires au recyclage et on a pensé au compostage.
« Il n’y a pas de solution unique dans la lutte contre la pollution plastique »
Nadia Auclair
Feat-Y : Quelles sont les étapes permettant la transformation du plastique en compost ?
N.A : Il y a différentes étapes. Tout commence au moment de la fabrication du produit plastique (d’origine végétale), un emballage par exemple : on introduit notre additif dans cet emballage au moment de sa fabrication et c’est ensuite seulement lorsque le produit sera placé dans un composteur (domestique, collectif, industriel…), que notre additif Evanesto® s’activera. Différents mécanismes naturels, liés aux micro-organismes, au pH, à la température et à l’humidité, vont alors permettre de fragmenter le plastique en de petites particules que seront ainsi facilement digérées par les micro-organismes du compost. Ensuite, on a un mécanisme de biodégradation classique, comme pour les biodéchets (épluchures de fruits et légumes, restes alimentaires, déchets verts…), au cours duquel les micro-organismes vont assimiler l’emballage en le transformant en matière organique. Il ne reste alors que du compost, sans aucun résidu ni toxicité, qui permet d’amender les sols et de fertiliser les plantes.
Feat-Y : Est-ce que ça signifie que toutes les matières plastiques produites et brièvement utilisées dans le monde peuvent être recyclées ou compostées par les technologies que Carbiolice développe ?
N.A : Malheureusement aujourd’hui, je dirais que non. Pas toutes du moins. Notre solution ne s’adresse pour le moment qu’aux plastiques qui sont d’origine végétale. Par contre notre ambition reste grande, puisqu’avec une seule tonne d’Evanesto®, nous pouvons éliminer 20 tonnes de déchets plastiques. Et parce que c’est un additif, il peut également être intégré à une grande typologie d’applications possibles (emballages de nos aliments évidemment, rigides ou souples, mais aussi films techniques comme les bulles de calage qu’on trouve dans nos colis, des applications agricoles comme les pots horticoles…). Et puis, nous ne nous arrêterons pas là, nous travaillons déjà sur une seconde génération d’additif, qui sera disponible l’année prochaine. Parce que notre « motto » c’est « biodegradability is the future » notre volonté est de proposer dans les prochaines années de nouvelles innovations permettant d’adresser d’autres familles de plastiques, mais aussi de proposer d’autres scénarios de fin de vie, dans d’autres conditions de biodégradation.
Feat-Y : Dans le cas où certaines matières plastiques ne peuvent être recyclées ou compostées, quelles alternatives peuvent exister ou seraient à inventer pour que le plastique puisse « servir les intérêts de l’Homme tout en préservant la planète », selon vous ?
N.A : Pour moi, il faut combiner toutes les solutions. C’est-à-dire, premièrement, réduire la consommation et l’usage du plastique, quand il n’est pas nécessaire opter pour le réutilisable quand cela est envisageable. Deuxièmement, quand on est sur des produits où on est en mono-matière, avec une certaine épaisseur, il faut penser à trier et à recycler, à bien isoler le flux pour qu’il soit recyclable, propre. Puis, quand on a épuisé ces deux solutions, on doit envisager les solutions compostables, sachant que quand je dis compostable, ça peut être aussi méthanisable. Selon moi, la solution est de combiner l’ensemble des dispositifs, de continuer d’innover, afin d’être capables de s’adresser à un champ plus large de matériaux pour lesquels la fin de vie est problématique. Mais il faut combiner toutes les solutions. Il n’y a pas de solution unique dans la lutte contre la pollution plastique, c’est la combinaison de toutes ces solutions qui nous permettra d’y mettre fin.
Feat-Y : Est-ce que des partenariats avec des entreprises ou des administrations publiques ont été développés ces dernières années ?
N.A : Tout à fait ! Il y a des partenariats publics et privés. Sur le privé, on a un partenariat très fort avec le premier producteur mondial d’enzymes qui est Novozymes, une entreprise danoise, avec qui on collabore pour le développement et la production d’enzymes. On a beaucoup de partenariats publics avec des universités, avec le CNRS, sur la recherche, les mécanismes, pour comprendre les mécanismes de biodégradation. On travaille également avec des laboratoires indépendants qui contrôlent nos produits et qui nous permettent, aussi, d’obtenir des labels, comme le label OK Compost HOME de TÜV AUSTRIA. Et puis, on a également des partenariats avec des fabricants d’emballages, de films de paillage par exemple, avec lesquels on expérimente un certain nombre d’applications.
Propos recueillis par Jonathan BAUDOIN