Créer une marque de vêtements respectueuse de l’humain et de l’environnement. C’est le défi relevé par le créateur Adel Haddadi. À 51 ans, il est le cofondateur de Pickloz. Il travaille avec son fils, sa fille, et une amie de cette dernière. Pickloz donne une seconde vie aux vieux vêtements, transformés en pièces uniques et même personnalisables. La marque doit son nom à l’anglais « Pick » pour « choisir », et « Loz » pour « vêtements ». Une campagne de financement devrait être lancée dans les prochains jours pour permettre le déploiement d’une application. 

Pouvez-vous nous raconter votre parcours ?

Adel Haddadi : Originaire de Tunisie, je suis arrivé en France à 13 ans, pour m’installer dans un quartier nantais. J’ai d’abord découvert la danse, avec l’arrivée en France du hip-hop dans les années 80. Très vite, j’ai voulu suivre le style américain. J’ai commencé à customiser mes vêtements dès mes 15 ans. Ma première pièce a plu, et j’ai découvert que j’avais un certain savoir-faire. Selon moi, c’est aussi dû à mon histoire : ma mère est tisseuse de tapis et mon père est tailleur de pierres. À l’époque, je n’osais pas faire une école de mode. Alors, je me suis lancé dans l’événementiel, puis dans la restauration. Après avoir vendu mon restaurant, en 2016, nous avons fait un voyage familial en Asie du sud-est. C’est au Japon que mon amour pour la mode est revenu. Je transformais toujours des vêtements, pour mon propre plaisir, mais c’est à 48 ans que j’ai décidé de rentrer en France pour me lancer définitivement.

picloz ensemble

Comment avez-vous procédé ?

A.H. : Une fois de retour à Nantes, j’y ai beaucoup réfléchi, mais je ressentais surtout un besoin de quitter la France. J’ai eu l’occasion de partir à Dubaï avec ma femme, et c’est là-bas que j’ai lancé ma marque : Adel Signature. Cependant, j’y ai découvert une face sombre de la mode, où les employés sont loin d’être traités de façon humaine ou éthique. J’ai tout arrêté, parce que ce n’était pas cette mode que je voulais représenter. Dès que ma fille a obtenu son diplôme de stylisme, nos enfants nous ont rejoints, et nous avons réfléchi ensemble à ce que symbolisait la mode à nos yeux. Pour nous, c’est un vecteur d’union ! Des vacances à Londres nous ont alors permis d’acheter beaucoup de vêtements vintage. De retour à Dubaï, j’ai aussi récupéré des vêtements anciens provenant d’Ouzbékistan, d’Afghanistan, d’Inde… Nous avons créé notre première collection en mixant des pièces européennes et orientales.

Que s’est-il passé depuis ce lancement ?

A.H. : Notre travail plaisait ! Or, l’upcycling et cette vision un peu ancienne de la mode ne prenaient pas à Dubaï. Nous sommes rentrés à Paris le 12 mars 2020. Rester à la maison nous a permis de travailler sur notre communication. Nous avons aussi retravaillé des vêtements pour en faire des masques, et nous les avons offerts aux livreurs près de chez nous. Ensuite, afin de nous faire une place, nous nous sommes tournés vers des personnalités, dont Mouloud Achour. Il nous a d’ailleurs mis en relation avec l’une de ses journalistes, qui a fait un article sur nous. Cette visibilité nous a permis de récupérer des vêtements de personnes connues, qu’on a transformés gracieusement. Notre premier showroom a attiré des personnes issues du monde de la danse. Elles ont ensuite porté nos pièces, ce qui a encore agrandi notre visibilité.

picloz collection

Comment définissez-vous votre concept ?

A.H. : L’humain est négligé, et la planète va mal. Pickloz se veut innovante et responsable. Tout part d’un constat simple : il faut toujours se déplacer pour donner des vêtements. Aujourd’hui, Pickloz peut venir chez les particuliers pour récupérer ces pièces qu’on ne porte plus, et qui serviront à une prochaine collection. Nous luttons contre le gaspillage, c’est pourquoi nous utilisons 80 à 90 % du tissu. Pickloz propose également un système de personnalisation : les vêtements customisés sont ensuite remis sous 3 à 7 jours. Nous rencontrons d’abord la personne et nous échangeons avec elle pour lui proposer des idées liées à sa personnalité. Aujourd’hui, nous sommes dans une agence de showroom et nous souhaitons proposer à des marques de transformer leurs vieux vêtements.

Quelle est la suite une fois que les vêtements sont récupérés ?

A.H. : Nous les déposons sur une table pour les observer, et chacun explique ce qu’une pièce lui évoque. Mes enfants et l’amie de ma fille dessinent alors leurs idées. Quant à moi, je m’inspire des pièces vintages que j’ai déjà connues pour imaginer une seconde vie aux vêtements. Nous concevons nos créations à la machine à coudre et à la main. 

Pickloz a aussi pour ambition de travailler avec de jeunes stylistes.

A.H. : Oui ! Les études de stylisme sont compliquées, et les matières premières sont chères. Nous souhaitons leur proposer de travailler avec nous, en freelance, et dans le cadre de leurs études ou non. Ainsi, ils seront libres de choisir leurs horaires et pourront aller récupérer les vêtements des particuliers et les transformer. Ce serait bien sûr sous notre supervision, et cela leur permettrait de toucher un pourcentage sur leurs créations. 

Quelles sont vos inspirations ?

A.H. : Les enfants sont très inspirés par les mangas et la culture japonaise ! Je partage aussi ce goût pour l’Asie : j’ai grandi avec les films de Bruce Lee. Notre inspiration dépend également de la culture urbaine.

Quelle est votre collaboration de rêve ?

A.H. : Lacoste ! Petit, c’était quelque chose d’inabordable pour moi : je réussissais uniquement à en dénicher dans les friperies tunisiennes. Les enfants aimeraient beaucoup travailler avec Nike.  

Propos recueillis par Mélanie Domergue

Infos :

Site internet : https://pickloz.com/

Page Facebook : https://www.facebook.com/Pickloz-105123257769156/

Compte Instagram : https://www.instagram.com/pickloz_/