Par David Xoual

Après avoir raconté l’histoire du réseau clandestin américain qui permit à des esclaves noirs de retrouver la liberté au XIXème siècle (Underground Railroad), l’auteur Colson Whitehead poursuit son pèlerinage au pays de la violence raciale avec le roman Nickel Boys. Ou comment une maison de correction dans l’Amérique ségrégationniste des années 60 a commis, tranquillement et en toute impunité, les pires atrocités…

Déjà couronné d’un Pulitzer en 2017 pour Underground Railroad, l’écrivain américain avait reçu pour la seconde fois le prestigieux prix à l’occasion de la parution de Nickel Boys en 2020. Si le style de facture classique (au sens noble du terme) ne révolutionnera pas la littérature, le sujet (inspiré d’une histoire vraie) prouve une nouvelle fois que l’Amérique, en matière d’idées crasses et de racisme, a une longueur d’avance. Ici, une maison de correction en Floride qui n’a pas son pareil pour redresser les jeunes délinquants. D’un côté, les blancs plutôt bien lotis et encore… De l’autre, les noirs qui auront droit aux pires traitements alors que dans le monde libre, à quelques mètres d’eux, gronde le mouvement des droits civiques. Une révolte portée par la voix de Martin Luther King que notre personnage principal, Elwood Curtis, écoute en boucle à la maison. C’est un élève brillant, abandonné par ses parents et élevé par sa grand-mère. Le garçon est promis à un bel avenir, il a des projets et l’envie de rejoindre l’université. Manque de bol, il est victime de la (in)justice américaine qui décide de le placer en maison de correction lorsqu’un flic l’accuse, à tort, d’un vol. Là-bas, il se lie d’amitié avec Turner, son double, un peu plus lucide et moins optimiste quant à l’avenir des Afro-Américains. Elwood découvre également un système carcéral bien huilé, la manne financière que représente cette main d’œuvre pour les administrateurs de l’établissement, les cris et les frayeurs nocturnes, la violence des équipes, du petit larbin vicelard au directeur de l’école. Derrière le puritanisme et les façades repeintes à l’occasion des portes ouvertes, on ligote les gamins, on les fouette, on les torture et parfois on les tue avant de les enterrer à proximité des dortoirs. Une histoire inspirée de la Dozier School for Boys, à Mariana en Floride. Une « école » où l’on a découvert des restes humains lors des opérations de nettoyage liées au passage de l’ouragan Michael en 2018. 

Nickel Boys, Colson Whitehead, Albin Michel