En 2012, le Contrôleur des prisons en visite aux Baumettes s’indigne des conditions de vie des détenus. Vétusté des locaux, inondations à répétition, montagnes d’ordures dignes d’une grève des éboueurs, rats en pagaille… Quelques années plus tard, les journalistes Alice Odiot et Jean-Robert Viallet sont autorisés à filmer pendant 25 jours le quotidien des 2000 détenus. Le documentaire Des hommes à la justesse d’un épisode de l’émission culte Strip-tease. Sans voix off et sans concession, les réalisateurs ne cherchent pas à toucher la curiosité morbide du téléspectateur, ni à juger ces hommes presque comme les autres.



Aux Baumettes, plus de la moitié des détenus ont moins de trente ans. On en suivra quelques-uns pendant ces 90 minutes en apnée qui nous font remettre en question notre système en général et le concept carcéral en particulier. Il y a le minot au visage juvénile, adepte de car-jacking, le multirécidiviste et sa cinquantaine de condamnations parce que c’est le seul moyen d’attirer l’attention de sa mère, dira-t-il avec une roublardise aussi touchante que désolante. En guise de décor, les murs des Baumettes qui s’effritent comme un « morceau de shit », plaisante un détenu, les cellules aménagées au petit bonheur la chance, le jeu des yoyo accrochés aux fenêtres pour se faire passer du tabac, du café, la cour et ses barbelés. A l’image, la violence est quasi absente, elle n’existe que par les témoignages de ces hommes qui racontent les lynchages, les règlements de compte, la petite fille ou la femme qu’ils aimeraient bien revoir en sortant. Une violence en creux que l’on peut tout de même sentir au détour d’une porte de cellule qui s’entrouvre sur un jeune homme hagard caché dans la pénombre. Presque revenu à l’état sauvage, le garçon acquiesce aux questions de l’infirmière qui lui demande si les cachetons lui conviennent. Que fait-il là ? Nous ne le saurons pas.

Des hommes, Alice Odiot et Jean-Robert Viallet


Par David Xoual