A l’ère post-Covid-19 où nos transactions sont marquées par la dématérialisation monétaire favorisant le paiement par carte bancaire, allons-nous faire face à une société 100% digitale ? Entre disparités et différences, que vont devenir les pièces et les billets dans l’Union Européenne ? Alors que le système français reste timide dans cette révolution monétaire, la Suède quant à elle prend le rôle d’avant-gardiste dans ce domaine impulsant un modèle national dominant : Swish Sweden. 

Un ancrage des habitudes quotidiennes : comment les Européens sont-ils toujours attachés à la monnaie matérielle 

Selon la Banque de France, les billets et les pièces représentent plus de 50% des transactions en 2020 dans la plupart des pays de l’OCDE. Les Français affichent une certaine affection à la monnaie matérielle. Décrite comme une réserve de valeur, elle permet notamment d’effectuer les “petits” achats du quotidien tels que les sorties à la boulangerie, au bureau de tabac ou encore au bar pour prendre un café. Elle est aussi vecteur d’une certaine connexion sociale. Nombreux sont ceux qui font leurs achats dans les commerces indépendants n’acceptant pas la carte bancaire et dans les marchés où les échanges se font principalement par pièces et billets avec les producteurs locaux. D’une certaine manière, effectuer des transactions monétaires matérielles est l’une des seules options possibles pour des catégories de populations dites marginalisées. En effet, comment effectuer ses achats grâce au digital si nous ne possédons ni de compte bancaire, ni de forfait internet ou ni de téléphone ? 

Pourtant, à l’heure actuelle, il est courant d’entendre parler de la fin du cash. En effet, payer par carte bancaire facilite les transactions, quelle que soit la nature de celle-ci. L’utilisation est en déclin, son utilité perd en valeur et les jeunes sont de moins en moins nombreux à posséder un chéquier. Ajoutons à cela la diminution de distributeurs automatiques de billets et nous nous retrouvons dans une société dématérialisée. L’avènement des applications de paiement en ligne directement connectées à nos téléphones portables a aussi bouleversé notre façon de consommer et d’agir. Pumpkin, Lydia, Paypal et bien d’autres révolutionnent nos rapports sociaux et facilitent les transactions de monnaie. 

Un bouleversement des pratiques : le cas spécifique de la Suède et l’omniprésence de Swish Sweden 

En Suède, l’utilisation de la monnaie matérielle est différente : non seulement les paiements digitaux sont favorisés dans un grand nombre de commerces, mais rares sont ceux qui possèdent encore des pièces et des monnaies. Dans un contexte de digitalisation quasi-complète, le système suédois instaure une toute nouvelle manière d’échanger l’argent : Swish Sweden. Créé en 2012, Swish Sweden est un système de paiement mobile relié à son compte bancaire, à son assurance maladie, à un numéro de téléphone suédois et à un numéro de personne relié au gouvernement. Les statistiques sont affolantes : en 2021, près de 8 millions de Suédois utilisent cette application sur une population totale de 10,350 millions d’habitants. La tendance ici s’inverse, la plupart des personnes vivant en Suède privilégient le paiement digital, laissant ainsi de côté la monnaie matérielle. 

Betty.M, étudiante en sciences politiques à Poitiers, vit en Suède depuis 2009 et nous explique que “tout se fait de Swish en Swish, même pour payer un café au lycée”. Elle aborde la dématérialisation de la monnaie d’une façon très simple, en Suède, il n’y a que très peu de cash qui circule, il existe même des commerces indépendants qui ne prennent pas de monnaie. Hormis sa dernière transaction par pièces datant de quelques mois pour l’utilisation d’une laverie, elle utilise toujours Swish Sweden. Il existe un côté pratique avec cette application, elle est utile pour rembourser ses amis, sa famille, payer un baby-sitting ou encore acheter du pain : tout devient plus simple avec Swish. En évoquant la situation des personnes mendiantes, qui sont présentes dans les rues de Stockholm, Betty nous explique qu’il est possible de “faire un swish” à une personne sans abri possédant bien évidemment un téléphone portable. 

Redéfinissant ainsi nos rapports sociaux, l’expansion du digital entraîne avec elle la diminution du cash. L’exemple de Swish Sweden nous amène à nous questionner sur l’exportation possible voire l’imposition de ce genre de modèle aux autres sociétés. Rendre tous nos échanges dépendants de l’utilisation d’un téléphone portable et d’un compte bancaire ne serait-il pas le début de l’exclusion de la société de certaines catégories de personnes ?

Salomé BATUT

*Source : swish.nu