Oser demander un acompte sur salaire n’est pas habituel pour les salariés, bien que cela soit un droit pour eux. Pour faciliter les demandes d’acompte, l’entrepreneur Yann Le Floc’h s’est lancé sur le sujet en fondant Stairwage en janvier 2020, dans l’objectif d’améliorer « le bien-être des salariés ». Pour Feat-Y, il est également revenu sur l’influence de l’écologie et de l’éthique dans son travail, estimant d’ailleurs qu’il y a une prise de conscience globale sur la dégradation de la planète, poussant à une consommation plus responsable. Interview.
Feat-Y : Comment vous est venue l’idée de fonder Stairwage ?
Yann Le Floc’h : Je suis entrepreneur depuis près de 15 ans. J’ai créé une première start-up en 2008, qui a permis de contribuer au lancement de l’économie circulaire sur le segment des produits de luxe et de démocratiser un nouveau mode de consommation plus responsable. Dans ma nouvelle aventure, j’avais envie de toucher plus à l’humain qu’au produit et surtout d’avoir un impact positif sociétal. J’ai beaucoup échangé avec des DRH de différents secteurs et différentes tailles d’entreprises et j’ai alors découvert que les salariés n’avaient finalement que très peu d’options pour faire face à leurs imprévus financiers : demander à des proches, être à découvert bancaire, faire un crédit consommation ou demander un acompte sur salaire. Sauf qu’en France demander un acompte, qui je le rappelle est un droit légal, est très gênant car très peu digitalisé et très compliqué à demander. J’ai donc décidé de me lancer dans cette nouvelle aventure, avec pour mission d’améliorer le bien-être financier des salariés et de leur redonner une véritable souplesse financière.
Feat-Y : Comment le versement d’acomptes de salaires fonctionne pour un salarié ou une entreprise via votre société ?
Y.LF : D’abord il est important de définir ce qu’est un acompte sur salaire. C’est un versement anticipé d’une partie du salaire pour des jours de travail déjà effectués. C’est un droit légal pour le salarié et un devoir pour l’employeur de le verser à la première demande, sans que le salarié n’ait besoin de le justifier. C’est un système très peu connu aujourd’hui : nous avions réalisé une étude Stairwage – Opinionway, où nous avions découvert que 52% des Français ne connaissaient pas ce système d’acomptes sur salaire et que 80% des jeunes actifs auraient honte de demander un acompte à leur employeur. Avec Stairwage, nous apportons une vraie amélioration pour les salariés en leur redonnant de l’autonomie par rapport à la gestion de leur salaire. Le salarié peut accéder, via l’application Stairwage, à son salaire déjà gagné dans le mois, quand il en a besoin, lui évitant ainsi d’avoir son compte à découvert et de payer des agios ou autres frais bancaires. Nous avons aussi très récemment noué un partenariat avec la plateforme d’entraide et de médiation budgétaire de Crésus pour accompagner les entreprises à lutter activement contre la fragilité financière de leurs salariés et prévenir le risque de surendettement.
Le consommateur a aujourd’hui la volonté de consommer de manière responsable, d’acheter de plus en plus local et de bien comprendre les processus de fabrication et il n’hésitera pas à boycotter une marque ne respectant pas ou peu l’écologie.
Feat-Y : Est-ce qu’avec Stairwage, les entreprises peuvent développer une approche plus éthique par rapport aux salariés ?
Y.LF : 65% des Français sont stressés financièrement et la crise sanitaire que nous venons de traverser n’a rien arrangé. C’est un devoir de l’entreprise d’apporter des solutions à ses salariés et d’être en permanence à la recherche d’amélioration du bien-être de ses salariés. Stairwage fait partie de ces solutions, qui redonnent de la souplesse financière aux salariés avec des « garde-fous » afin d’éviter des débordements. Nous avons par ailleurs décidé d’apporter un module pédagogique afin de permettre aux salariés de mieux gérer leur budget et leur éviter d’être à découvert bancaire à la fin du mois. Je pense que nous sommes dans une stratégie « win-win », dans le sens ou un salarié heureux sera beaucoup plus investi et impliqué dans ses tâches et l’entreprise sera donc elle aussi gagnante.
Feat-Y : Vous avez fondé auparavant une startup, qui a été racheté par les Galeries Lafayette en 2016, en vous basant sur le marché de l’occasion du luxe. Comment avez-vous eu l’idée d’un marché de seconde main pour le luxe ?
Y.LF : Je m’intéresse depuis très longtemps à la tech et aux nouveaux modèles économiques plus responsables. Je n’avais initialement pas une grande appétence pour le luxe, en revanche, j’étais convaincu que la qualité et la longévité de ces produits leur permettaient de se transmettre de génération en génération. Autre point important, les modes évoluent très vite, en fonction des régions, des pays, des générations, le rythme des collections s’est lui aussi accéléré. Alors au lieu de laisser ces produits dans des placard ou tiroirs, il était temps de lancer un nouveau mode de consommation durable plus responsable, ou la transmission et la revente pourrait se faire plus rapidement.
Feat-Y : N’est-ce pas une manière de rendre le secteur du luxe plus écologique ?
Y.LF : Absolument ! Et je suis convaincu que ce sont bien les consommateurs qui ont créé cette tendance et non les maisons de luxe. Le consommateur a aujourd’hui la volonté de consommer de manière responsable, d’acheter de plus en plus local et de bien comprendre les processus de fabrication et il n’hésitera pas à boycotter une marque ne respectant pas ou peu l’écologie.
Feat-Y : Comment avez-vous été sensibilisé à la question écologique et comment celle-ci influe dans votre travail ?
Y.LF : L’écologie est bien évidemment un sujet majeur. Il y a une prise de conscience générale et il est de notre devoir à tous d’agir pour ne pas plus dégrader notre planète. Et cela passe par de petits gestes au quotidien, comme trier des déchets, favoriser les gourdes réutilisables plutôt que des bouteilles plastiques, ne pas envoyer des mails de manière impulsive, etc…
Feat-Y : En-dehors de l’écologie, quelle place occupe l’éthique dans votre travail et comment s’est-elle illustrée dans les sociétés que vous avez fondées ?
Y.LF : Dans ma précédente startup, je voulais lancer un nouveau mode de consommation plus responsable. En lançant Stairwage, mon objectif est d’avoir un impact sociétal, d’améliorer le bien- être financier des salariés. De mes expériences, j’ai appris qu’il est fondamental de s’entourer des personnes à la fois différentes et complémentaires, qui partagent les valeurs de l’entreprise et la mission. J’essaie autant que possible d’avoir une culture la plus transparente possible, que ce soit dans les bons moments ou les mauvais que l’entreprise peut traverser.
Feat-Y : Est-il primordial de mener une politique de RSE dans une entreprise ? Quels conseils donneriez-vous à des entrepreneurs soucieux de mener une politique de RSE cohérente ?
Y.LF : Je crois que la question ne se pose plus, la RSE est nécessaire aujourd’hui dans les entreprises.
Mon seul conseil est d’avoir une politique RSE honnête et concrète et ne surtout pas tomber dans le social washing !
Propos recueillis par Jonathan Baudoin