En 2005, la Métropole de Lyon a été la première à mettre en place le vélo en libre-service. Yann Lemoine espère voir l’histoire se répéter avec les appareils domestiques. Cet ingénieur environnement est à l’origine de l’initiative Les Biens en Commun. Il s’agit d’une solution de location de petit électroménager via des casiers connectés. Un prototype a déjà été installé dans une résidence étudiante du 3e arrondissement de Lyon. Une trentaine d’utilisations ont été enregistrées en 3 mois. Yann Lemoine souhaite faire de cette idée un projet de territoire. Plusieurs endroits pourraient ainsi être équipés à l’avenir : résidences étudiantes, bureaux, commerces, zones pavillonnaires…

Feat-Y : D’où vient l’idée de votre projet ?

Yann Lemoine : Je suis porté par des convictions environnementales et sociales très fortes ! J’ai besoin de sentir que je peux agir à mon échelle pour contribuer à une société plus durable. À mes yeux, beaucoup de nos biens sont superflus, et ont un impact conséquent sur l’environnement. Néanmoins, les individus ne sont pas encore prêts à renoncer à leur utilisation pour préserver la planète. La mutualisation m’est donc apparue comme une solution gagnant-gagnant ! Elle permet de réduire la production, tout en démocratisant l’utilisation de ces objets. Il y a 4 ans, je me suis demandé quel type de bien n’avait pas encore trouvé d’alternative crédible à la propriété.

Le petit électroménager m’a paru évident ! Nous sommes en grande majorité équipés de nombreux appareils domestiques : aspirateur, fer à repasser, appareil à raclette, perceuse, etc. Et pourtant, il arrive qu’on les utilise assez peu ! D’où l’intérêt de les mutualiser. D’une part, pour réduire leur production, et ainsi limiter les déchets en fin de vie. D’autre part, pour donner accès à davantage d’appareils de meilleure qualité et au plus grand nombre.

J’ai pu croiser la route de partenaires qui m’ont aidé dans ce projet. Parmi eux, une PME montpelliéraine m’a ainsi fourni les casiers et le logiciel, dérivé d’un logiciel développé pour permettre aux salles de bowling d’offrir la réservation de parties depuis internet. Une fois ce logiciel pluggé aux casiers connectés, nous avons pu proposer un prototype professionnel et efficace. Les appareils, eux, sont fournis par des enseignes dans le cadre de partenariats.

Feat-Y : Comment est-ce que ça fonctionne ?

Y.L. : Il suffit de se créer un compte sur un site internet dédié – une application pourrait prochainement voir le jour. L’utilisateur accède ensuite à la liste d’appareils disponibles dans les casiers, et peut réserver l’appareil souhaité à la date qui lui convient : pour la semaine suivante, dans un mois, dans trois mois… Il doit également choisir un nombre de créneaux d’utilisation.

Chaque appareil domestique est en effet défini par une durée d’utilisation standard et un coût. Actuellement, réserver un aspirateur coûte 1,50 € pour 1 h 30 d’utilisation. L’appareil à raclette est lui disponible pour 5 € pendant 5 heures. Il est possible de réserver deux créneaux pour une utilisation prolongée. Ces données ont été définies à partir de nombreuses interviews réalisées auprès d’étudiants. Elles sont d’ailleurs susceptibles d’être affinées grâce au prototype, mais le ratio prix/durée semble correspondre à leurs attentes pour le moment !

Le paiement de la réservation s’effectue toujours en ligne et par carte bancaire, via Stripe. Lorsque le paiement est validé, l’internaute reçoit un mail lui indiquant son reçu, un code numérique ou un QR code. L’une de ces deux solutions est choisie en amont lors de la réservation pour pouvoir ouvrir le casier. Une fois l’appareil récupéré, l’utilisateur en profite durant le temps défini avant de le ramener, tout en utilisant le même code ou QR code pour fermer le casier.

Feat-Y : Qui est chargé de l’entretien des appareils ?

Y.L. : J’expérimente actuellement une tournée hebdomadaire (au minimum) pour intervenir sur place si l’utilisateur suivant récupère un appareil sale ou cassé. Il est alors bien sûr remboursé, mais l’idée des Biens en Commun n’est pas d’intervenir entre deux utilisations. Chacun doit faire preuve de citoyenneté et rendre un appareil propre et fonctionnel. S’il est sale ou cassé, je saisis une caution.

Feat-Y : Vous êtes pour le moment en phase de test jusqu’à la fin de l’année. Quelle est la suite pour Les Biens en Commun ?

Y.L. : J’aimerais instaurer une deuxième phase de test en janvier 2022. Elle serait cette fois étendue sur 5 à 10 résidences. Le principe des Biens en Commun fonctionne : les utilisateurs utilisent les casiers de manière autonome et en sont satisfaits. Jusqu’à présent, tous les appareils ont été ramenés dans un bon état et fonctionnent bien. Les casiers n’ont pas été dégradés.

Le but est maintenant de convaincre plus de personnes, pour permettre au projet de se développer davantage. La campagne Zeste s’inscrit dans cette continuité et m’aide à mener différentes actions pour consolider mon dossier et le présenter à des investisseurs en septembre 2021. Mon ambition est de faire de l’acte d’achat une façon « marginale » d’utiliser le petit électroménager. Pour ce faire, il est nécessaire d’impliquer des acteurs tels que les pouvoirs publics, la Métropole et la Ville de Lyon pour consolider ce projet à moyen et long terme, et permettre par exemple de contribuer à réduire d’ici 30 ou 40 ans le nombre d’aspirateurs ou de déchets jetés sur le territoire.

D’autres appareils vont-ils faire leur apparition dans ces casiers ?

Y.L. : La liste d’appareils aujourd’hui disponibles provient de mes entretiens avec les étudiants. J’entends toujours impliquer les habitants dans ce concept, à travers de petits projets collaboratifs. Un système sera d’ailleurs mis en place pour identifier les futurs appareils mis à disposition par Les Biens en Commun. L’offre est donc amenée à évoluer selon la demande, mais aussi d’une population à l’autre. De plus, si nous équipons un jour des lieux avec jardin, nous pourrions mettre en commun divers outils comme le taille-haie, la tondeuse à gazon, etc.

Propos recueillis par Mélanie Domergue

Infos :

Pour accéder à la campagne Zeste : https://www.zeste.coop/fr/lesbiensencommun

Site internet : https://lesbiensencommun.com