Nous sommes au plus froid de l’hiver. On peut voir la neige tomber en gros flocons gelés à travers la fenêtre. Sur le rebord de cette fenêtre, un gros coussin et un plaid. Vous êtes assis là. Dans la cheminée, le feu crépite. Vous vous êtes enrobé d’un gros pull pastel. Vous avez dans la main droite un livre, votre nouvelle découverte. Dans la main gauche, un thé bien chaud. Vous posez le livre sur vos genoux et saisissez la tasse brulante à deux mains, en regardant dehors. C’est dimanche, vous avez le temps.
Si le café (et c’est surement une erreur) est associé à la précipitation matinale, le thé se boit quand on a du temps. Pendant une pause, en rentrant à la maison ou encore le dimanche. C’est le rituel matinal de ceux qui se lèvent deux heures avant de partir.
Durant mes années de fac, je prenais tous les jours le temps de me préparer mon thermos de thé (quitte à être en retard… trop souvent) pour accompagner les longs cours de trois heures. Ces cours étaient passionnants. Mais ils étaient moins bien sans un bon thé.
Pourquoi associons-nous le thé à une boisson lente, douce, qui accompagne les longs moments ?
Si nous le buvons en France majoritairement préparé avec un sachet ou infusé à l’aide d’une boule à thé ou dans une théière, les rituels du thé à travers le monde sont multiples. Ils ont un point en commun : ils supposent tous de prendre le temps. L’art du thé, très minutieux, met en valeur les arômes de ce camélia (oui, c’est un camélia). Pour cela, les feuilles sont traitées avec délicatesse. Elles sont d’abord toujours mesurées, pour infuser la bonne quantité. L’eau est ensuite chauffée à la température idéale pour faire infuser la feuille sans la bruler.
- Le Gong Fu Cha : l’art de prendre le temps du thé
La Chine est le pays d’origine du thé. L’art de sa dégustation y est à son paroxysme. La cérémonie traditionnelle du thé chinois se nomme « Gong Fu Cha », ce qui signifie littéralement « prendre le temps du thé ». Ce n’est pas la seule manière de boire le thé en Chine, ce mode de préparation est réservé à certains thés et à certains moments. Cette technique apparait sous la dynastie Ming. A l’époque, elle plait beaucoup aux lettrés. A l’heure actuelle, le Gong Fu Cha se pratique dans les maisons de thé. Il est synonyme de convivialité. C’est une cérémonie du thé qui repose sur l’attention des sens. D’abord on voit la feuille de thé, posée dans une minuscule théière qui semble être une dinette. Puis on sent le thé dans la tasse à sentir. Enfin, on le goute dans la tasse à gouter. Chaque geste est effectué en vue de mettre en valeur un aspect du thé, et l’appréciation de celui-ci rythme la conversation. La première infusion ne dure que quelques secondes, mais successivement les infusions se rallongent. Un bon thé peut s’infuser jusqu’à une dizaine de fois, et le temps d’attente dure de trente secondes à cinq minutes. Ainsi, cette petite théière peut finalement accompagner les convives des heures durant. Le rituel du Gong Fu Cha, c’est l’art de prendre le temps d’apprécier le thé avec tous ses sens et toute son attention.
- Japon : la politesse de la précision.
Comme en Chine, il n’existe pas une seule manière de boire du thé au Japon. La manière la plus connue, parce que la plus impressionnante, c’est le Cha No Yu. Véritable cérémonie, cette tradition est issue des pratiques des moines zen. C’est une pratique qui demande beaucoup de patience et de précision. Traditionnellement, il ne peut être pratiqué que par une geisha. Seules elles sont formées pour réaliser parfaitement les gestes que demande cette cérémonie. Le Cha No Yu dispose de son temps et de son espace bien à lui. Généralement, il se pratique dans une sorte de cabanon traditionnel au fond du jardin, construit en bambou et dont le sol est recouvert de tatamis. Au centre de la pièce, ont trouve le pot d’eau chaude, le pot à thé, le bol et le fouet à thé qui vont permettre à la geisha de mener la cérémonie. Regarder une geisha préparer le thé est considéré comme un spectacle en soi et un moment privilégié offert aux invités de marque.
- La convivialité russe : le samovar
En Russie, le thé est servi à n’importe quelle heure. Il est préparé puis conservé dans un samovar, une sorte de grande théière en métal qui sert à garder le thé au chaud toute la journée. Traditionnellement finement décoré, le Samovar est un objet emblématique des foyers. Le thé est préparé très fort, et chacun le dilue et l’agrémente à sa convenance. Il se partage en famille ou lorsqu’on reçoit des invités, fournissant ainsi des moments conviviaux et chaleureux.
- Le thé au Maghreb ; prélude à la conversation
Au Maghreb, on vous proposera du thé à la moindre occasion. Aussi bien servi aux amis et invités que lors de négociations, il est un prélude à toute conversation. Il est préparé devant les yeux des convives, et la préparation peut prendre un certain temps (jusqu’à une heure). Le sucre est cassé avec un petit marteau ; la menthe est sortie de son pot pour être mise dans la théière et il en est de même pour le thé. On discute avec les convives pendant que commence la préparation du thé. On sert ensuite le thé en levant haut la théière. Ce geste, qui sert à faire mousser le thé, permet aussi de montrer les mouches (les décorations ciselées) sur l’anse de la théière.
- L’incontournable étiquette du tea time anglais
Il est 17 heures. Arrêtez tout, c’est l’heure du thé ! Le five o’clock tea est sacré pour les Anglais. On apporte un soin particulier au choix du thé, mais aussi au choix de la vaisselle. Sur la table, on trouve tasses ; soucoupes, petites cuillères mais aussi un pot d’eau chaude, un pot de lait, des serviettes et des pâtisseries. Si on ne rigole pas avec ce moment de la journée, c’est parce qu’il s’agit d’un moment de convivialité à partager en famille ou entre amis.
Le thé sert, dans beaucoup de pays, à agrémenter les discussions et les moments de partage. Il permet d’ouvrir une parenthèse dans la journée. Son temps est ainsi consacré aux moments privilégiés. On apporte souvent du soin aux détails, que ce soit la vaisselle ou le geste de service. Les rituels les plus connus sont ceux de l’hospitalité, qui apportent un soin tout particulier au spectacle. Mais le thé se boit également en solitaire. Boisson chaleureuse par excellence, il accompagne à merveille un bon livre le soir, un bain ou tout autre moment de détente de la journée. Il se déguste comme le vin, ses saveurs s’étalent lentement en plusieurs notes à chaque gorgée. Prenez le temps d’apprécier ses saveurs, son odeur et sa couleur.
Texte de Lola Lefevre
Voix Yohan Fournier Moreau
Illustration Angéline Terpend , Pour Magdalena Studio
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veronique poppe
19 mai 2021 9 h 33 min
Merci pour ce bel article, lu au reveil avec une tasse de the a la main.
le the … un sujet si vaste et passionnant qui reunit toutes les cultures.
Feat-y
7 juin 2021 13 h 14 min
Merci beaucoup