En mai 2011, l’auteure de Boys, boys, boys s’installe pendant une semaine gare du Nord pour prendre le pouls de cette ville dans la ville. Alors que les badauds filent vers leurs TGV et autres TER, Joy Sorman reste à quai et observe. 

Dans son dernier livre A la folie, Joy Sorman nous ouvre les portes d’une unité psychiatrique fermée de la région parisienne. Un récit salué par la critique comme souvent avec l’écrivaine qui aime s’inviter chez les autres, investir des lieux pas si communs :  le groupe NTM pour Du bruit, une fabrique de lits, l’univers de la bidoche qui donnera Comme une bête (Gallimard)… Avant ça, Joy Sorman a passé une semaine gare du Nord à l’initiative du festival Paris en toutes lettres. Résultat, un récit immobile entre le glauque kitch du Subway de Luc Besson et le documentaire humaniste façon Raymond Depardon. Un livre court, empreint de bienveillance, rythmé par des rencontres du 3ème type, une foule invisible pour le voyageur pressé : les jeunes Roumains qui se prostituent, un conducteur de métro nostalgique des vieilles rames, celles « qui accélèrent et freinent plus fort », les pompiers de la gare du Nord qui lui offrent un « écusson brodé » à coudre sur son blouson… Joy Sorman accompagne les flics en maraude, apprend qu’au dépôt d’ordures de la gare les rats sont « gros comme des lapins. » Puis, il y a les toxicos qu’on préfère ne pas déranger pendant leur trip, la patience des voyageurs, la gentillesse des contrôleurs… Et aussi, Christian, un SDF qui a vécu pendant dix ans dans l’une des cabines de photomaton de la gare. Un gars fragile « rejeté par sa famille et tous les services sociaux et psychiatriques », explique le policier. Le photomaton comme maison, la manche pour survivre et le voisin, vendeur de saucissons du Cantal, pour le nourrir. Les flics ont fini par couper l’électricité du photomaton tant ils avaient peur que Christian s’électrocute. Alors, ils lui ont trouvé une place dans un foyer psychiatrique. C’est aussi ça une gare… De la solidarité invisible pour les gens de passage.  

Paris Gare du Nord, Joy Sorman, L’arbalète Gallimard

A la Folie, Joy Sorman, Flammarion 

par David Xoual