Après le Carnaval Roi des Arts auquel il a pris part dès 1994, l’artiste-plasticien, Patrick Moya a franchi une étape en créant en 2009, un carnaval virtuel qui réunit des internautes des cinq continents connectés depuis leurs ordinateurs via leurs avatars. Tous participent à une parade virtuelle sur une reproduction 3D de la place Masséna, en totale immersion, dans l’univers de l’artiste.

Le terme de Cyber a investi de nombreux domaines, avec l’artiste-plasticien, Patrick Moya, il a acquis une nouvelle corde à son arc en s’enrichissant du mot carnaval. Une association que personne avant lui n’avait osé encore faire, mais lui en artiste visionnaire, il a osé !

Ce fervent adepte des théories de la communication de Mc Luhan a fait très tôt le  pari d’un monde où les réseaux électroniques « superposeraient le créateur à la créature obligeant l’artiste  à vivre à l’intérieur de l’œuvre ».

« J’ai atteint ce but aujourd’hui en vivant dans mon univers. Un univers qui vit même indépendamment de son créateur puisque je ne contrôle pas tout ce qui s’y passe. « 

En 2006 il réalise une ébauche de son premier carnaval virtuel, le projet n’en n’est qu’à ses balbutiements, réalisé à l’aide d’un logiciel 3D. Même si l’audience demeure confidentielle, il est projeté  sur grand écran, lors d’une exposition.

Ce n’est qu’en 2009 qu’il propose une première maquette pour le Carnaval « Roi des mascarades » son char montre un personnage devant son ordinateur sur lequel est projeté une vidéo, à la recherche de son avatar dans une ronde de masques. 

« C’est à cette occasion, que j’ai réalisé la maquette de ce char dans Second Life et organisé une fête carnavalesque virtuelle sur la place Moya de mon univers. Ce qui m’a donné l’idée de reproduire la place Masséna quasiment à l’identique en 3D et d’organiser chaque année un Cyber Carnaval. »

Le monde de Moya

L’art de Patrick Moya c’est son univers, il est indissociable de celui-ci, à telle enseigne qu’il a créé son premier alter ego, autoportrait caricatural inspiré du personnage de Pinocchio qui lui permet de trouver une place dans chacune de ses œuvres.

En 1999, il créé sa Dolly, personnage ovin inspiré de la fameuse brebis clonée qui deviendra l’identité visuelle des soirées techno « Dolly Party » en vogue dans le sud de la France, ainsi qu’un des personnages centraux de l’univers de son « Moya Land ».

Mais Moya qui définit son cheminement artistique comme « très narcissique »,  n’hésite pas en 2007 à se représenter sous les traits de Saint-Jean Baptiste, sur la peinture murale intérieure d’une chapelle qu’il a restaurée à Clans, dans le Comté de Nice et qui a été construite  au moyen-âge,  par l’ordre des Antonins.

Il explique sa démarche : « Ce que je cherche, c’est un renversement du point de vue qui ne donne à voir l’œuvre que quand on y entre. Dans ce cadre, mes oeuvres réelles deviennent simplement un travail de texturage d’un monde qui n’est plus imaginaire ni imaginé mais persistant. Que le créateur ne soit plus le maître de son univers et ne le contrôle plus totalement tout en restant l’artiste, est quelque chose d’assez difficile à appréhender tant qu’on n’a pas vécu ce phénomène finalement assez carnavalesque du renversement des rôles entre le créateur et la créature. »

La même année, Patrick Moya inaugure son « Moya Land, une surface virtuelle de 260000 m2, créée  en 3D et fonctionnant sur 4 serveurs et accessible  sur internet via Second Life.  Conformément aux théories de l’artiste, Le Moya Land est conçu comme une œuvre d’art global, un atelier virtuel où l’artiste vit et travaille.

Le carnaval  de Moya

« Depuis 2007 que j’ai investi Second Life, je construis seul mon univers mais en achetant sur le marché virtuel certains éléments comme les avions ou les voitures. Depuis la crise du Covid et en raison de la multiplication des événements virtuels, je travaille avec une « buildeuse » spécialisée en 3D et devenue « l’assistante virtuelle en chef » du Studio Moya de Second Life. Elle-même travaille avec un spécialiste des scripts particulièrement doué. Ce qui me permet d’améliorer considérablement la réalisation de ce cyber carnaval. »

Et l’artiste est aux anges car il a réussi à établir des passerelles entre les mondes, la preuve derrière son ordinateur, il dirige son avatar, prêt à embarquer dans un avion virtuel. Ce dernier invite spectateur à le suivre, et ses pas le conduisent dans l’un de ses nombreux entrepôts de sa Moya Land. Dansl’un d’eux, il trouve le carton correspondant à la place Masséna, lieu où se déroule le Carnaval de Nice. La place sera déployée sur le vaisseau spatial qui se trouve au dessus de son île virtuelle.

Le Carnaval de Moya suit de près la thématique du Carnaval de Nice, mais cette année en raison de la crise sanitaire celui-ci a été annulé, par conséquent l’artiste-plasticien s’est vu contraint de célébrer les 12 ans d’existence de sa création et d’improviser. Loin de faire concurrence au Carnaval officiel, il a trouvé sa place dans le paysage niçois.

« Mon premier char en 2009 avait été réalisé par le carnavalier Cédric Pignataro, c’est avec lui que nous avons réalisé cette première : une projection vidéo qui montrait le défilé du char virtuel dans Second Life ! Par la suite, mes projets de char ont été réalisés également par la famille Povigna, qui a utilisé des écrans vidéo pour animer les yeux du Personnage. Car les carnavaliers sont eux même à la recherche de toutes les innovations technologiques, des robots sculpteurs ont été récemment utilisés pour la construction des chars. »

Le 26 février prochain,  on sera dans les conditions d’un vrai carnaval puisqu’il sera diffusé en direct sur YouTube. Parmi les participants, il y aura DJ Raven, qui a préparé un mix spécialement pour Nice et animera toute la soirée, mais aussi un groupe du Carnaval mexicain de Mazatlan, des éducateurs et élèves d’université allemandes et américaines, un char de l’association américaine Virtual Ability qui permet à des personnes lourdement handicapées de vivre une partie de leur vie sociale dans les mondes numériques.

Lea Raso Della Volta