Son nom est associé aux grandes marques, aux défilés de mode, aux stars qu’il habille depuis des décennies, mais Jean-Charles  de Castelbajac cultive une passion: le Street Art, avec pour salles d’expositions, les villes du monde entier de Nice à Los Angeles, de la Corée au Japon en passant par Saint-Paul de Vence.

C’est inattendu, voire improbable comme les supports sur lesquels il dessine, depuis sa rencontre avec Keith Haring, Jean-Charles de Castelbajac sème ses dessins un peu partout, au hasard de ses voyages. Et le temps d’un dessin, il tourne le dos au monde, lui qui est si souvent sous les feux des projecteurs. Un moment d’humilité, où l’artiste renoue avec l’anonymat, se livrant  à  ce qu’il qualifie d’exercice perpétuel, par lequel il améliore son trait, progresse, se remet en question, avec au bout, le bonheur de se surprendre.

Ses premiers dessins ont trente ans et se trouvent à la Gare du nord à Paris. Jean-Charles de Castelbajac était alors directeur artistique de  « Faim de siècle », un journal vendu dans la rue par les Sans domiciles fixes et qu’il accompagnait. Bien vite, cet art nouveau, qui néanmoins plonge ses racines dans l’histoire de l’humanité, le séduit.

Le côté éphémère le fascine et le rapproche  du plasticien niçois,  Ernest Pignon Ernest précurseur du Street Art, dont la technique consistait à coller sur les murs des cités, des images dessinées à la sanguine, puis sérigraphiées.  Si Jean-Charles de Castelbajac privilégie à ses débuts l’encre, il va très vite s’en détourner : «  je dessinais au fusain, mais le résultat n’était pas toujours à la hauteur de mes attentes, car l’encre avait tendance à se diluer lors des pluies. Aussi, je me suis adapté au support. J’ai choisi la craie, le minéral appelant le minéral  et puis la « craie ça bouge, c’est vivant, c’est un ectoplasme.

La craie évolue et se marie bien avec les supports choisis, tout en conservant son caractère éphémère. Des supports aussi éloignés de l’art que peuvent l’être une bouche d’évacuation des eaux pluviales ou bien encore une porte de compteur d’électricité. Autant de défis pour l’artiste qui s’emploie, dès lors à apporter de la poésie et de l’humanité dans des lieux désincarnés et « j’ai vécu sur deux siècles des moments magnifiques, mais depuis une dizaine d’années, les choses ont changé ». L’attentat de Nice lui inspirera dans cette ville de nombreux dessins.

Deux maîtres : Basquiat et Haring

Artiste au talent éclectique, ses sources d’inspiration plongent leur racine dans l’art mondial, il convoque  Cocteau, Villard de Honnecourt, Calder, Dufy, autant d’artistes qui continuent à inspirer sa création et qu’il qualifie affectueusement « d’armée des ombres ».

Mais sa galerie d’ombres ne serait pas complète sans les deux artistes-plasticiens qui l’ont incité à franchir le pas, deux artistes au destin tronqué : Jean-Michel Basquiat qui lui a consacré un portrait sur sa moto, mais sans doute plus proche de lui, par le choix des couleurs et des formes, Keith Haring : « il a déboulé dans ma vie. Comme moi, c’était un adepte du procédé d’accumulation et il voulait que je créé pour la chanteuse Madonna, un manteau en ours en peluche. Un jour, il est arrivé chez moi et s’est mis à dessiner et peindre partout. Quand mes deux fils alors âgés de 4 et 7 ans, sont arrivés de l’école, il a sorti de grandes feuilles et s’est mis à dessiner avec eux des cadavres exquis ».

 Sa rencontre avec Haring fut un moment salvateur, car l’artiste et son enthousiasme libère sa main et son trait, tout en lui permettant d’ouvrir les yeux sur les cultures urbaines sous toutes leurs formes.

Jean Charles De Castelbajac

« Petit Poucet, petit passé »

Avec plus d’un millier de dessins dans le monde, le dessin demeure son fil conducteur et le rattache à l’art par un cordon ombilical invisible et qui font de lui, en dépit des siècles qui les séparent un digne fils de Villard de Honnecourt qui a fait sortir le dessin « de la sphère intimiste pour le manifeste. »

Ces figures d’anges qu’il sème comme le petit Poucet ses cailloux, rappellent les figures peintes par Cocteau. Elles entretiennent un lien avec l’invisible, avec ses chers disparus et s’adressent néanmoins à ceux qui restent et qui les contemplent. Comme il le définit lui-même, il s’agit « d’un geste minime aux conséquences immenses », un acte de foi, que ce chrétien militant défini comme un acte de miséricorde, et dont les anges ont redonné goût à la vie à une petite fille.

Au mois de juin prochain, un ouvrage regroupant 600 de ses dessins sera publié. Une occasion pour les passionnés d’art graphique de s’offrir une immersion dans le  Pop Art, qui ne cesse d’influencer le styliste Jean-Charles de Castelbajac, dont les créations font toujours écho à un mouvement artistique.

Lea Raso Della Volta