Avis aux gourmets Nantois ! Les bars-restaurants Le Bar’Île et Le SALUT s’apprêtent à vivre une toute nouvelle aventure, avec le rachat de l’exploitation maraîchère bio Le Jardin S’en Soucie. D’ailleurs, les deux établissements passeront bientôt en coopérative pour former la SCIC Commun’île. Le but : créer une chaîne de valeur continue, de la terre à l’assiette, en rapprochant maraîchers et cuisiniers pour se réapproprier l’outil de production agricole. Une campagne de financement participatif, soutenue par Zeste et la Nef est lancée jusqu’au 1er février 2021. Rencontre avec Maxime Lefebvre, cuisinier et l’un des porteurs du projet.

Feat-Y : Parlez-nous de votre projet !

Maxime Lefebvre : Nous avons eu l’opportunité de racheter une exploitation maraîchère biologique, à Corcoué-sur-Logne, au sud de Nantes. Notre fonctionnement va un peu ressembler à ce qui se passe dans les restaurants très haut de gamme : de plus en plus d’entre eux s’adossent aux compétences d’un maraîcher pour proposer des plats. Si tout va bien, en 2021, Commun’île sera représentée par trois restaurants et une ferme maraîchère.

Feat-Y : Comment résumeriez-vous Commun’île ?

M.L. : C’est une volonté d’aller plus loin, dans une démarche d’intégration. La Covid a montré que les plus gros vont s’en sortir. La résilience passe malheureusement par une augmentation d’échelle. Face à l’atomisation de nos forces, on répond en disant qu’on va s’associer. Des cuisiniers en centre-ville qui génèrent beaucoup d’argent vont aider un métier complexe : grâce à Commun’île, les maraîchers vont avoir un salaire fixe !

Feat-Y : En France, une coopérative passe souvent par une Société coopérative de production (SCOP), mais vous avez fait le choix d’une Société coopérative d’intérêt collectif (SCIC). Quelle est la différence ?

M.L. : En SCOP, les associés sont uniquement les salariés. En SCIC, les actionnaires sont les salariés et les usagers des lieux. Nous sommes 14 au comité de pilotage de Commun’île : il y a 4 salariés pour 10 clients. Cela permet de contrebalancer le pouvoir des salariés.

Feat-Y : Quel est l’avantage de ce fonctionnement ?

M.L. : Lors d’un projet comme celui-là, on a souvent tendance à séparer les choses. On crée une société mère, puis des sociétés filles. Nous, on est sur une seule société : Commun’île. Grâce à cela, chaque salarié sera certainement associé, et donc propriétaire de son outil de travail. Les maraîchers associés seront propriétaires de leur ferme et des restaurants. Même chose pour les cuisiniers associés : ils seront propriétaires des restaurants et de la ferme.

Feat-Y : C’est aussi une manière de revaloriser le métier de maraîcher.

M.L. : Oui ! Aujourd’hui, un maraîcher produit sang et eau un kilo d’aubergine pour 3,50 euros, et les cuisiniers le transforment en caviar à 40 euros le kilo : il y a un problème. On fait peser la charge de l’aléatoire et des aléas climatiques sur les maraîchers. De notre côté, nous allons essayer de contrebalancer cela, en calculant à la fin ce qui sera vendu dans les restaurants nantais. Nous le reverserons ensuite sous forme de salaire. C’est une mutualisation des risques.

Feat-Y : Qu’allez-vous faire pour l’environnement ?

M.L. : Nous aurons des produits de saison sur une exploitation biologique, à 30 minutes des établissements. Cela nous permet de limiter l’impact carbone. Qui plus est, les maraîchers bio produisent deux types de légumes. Il y a les beaux, présents dans les marchés et sur les étals des AMAP, et les « moches » : la carotte tordue, la patate avec un trou, la betterave de deux kilos… Ces produits seront valorisés par les cuisiniers de Commun’île. L’un de nos buts est de diminuer le gaspillage alimentaire.

Feat-Y : Comment avez-vous trouvé la ferme maraîchère ?

M.L. : On a eu un coup de bol monumental : on est tombés sur une annonce Le Bon Coin ! Il s’est écoulé seulement deux mois et demi entre l’obtention de la ferme et notre rencontre avec les maraîchers. D’ici le 1er janvier 2021, ils pourront déjà produire des légumes sur cette exploitation !

Feat-Y : Comment avez-vous rencontré les maraîchers ?

M.L. : On a encore été chanceux ! Tout est parti d’une annonce Facebook. On a posté un message en expliquant qu’on avait une ferme et qu’on recherchait des maraîchers. Elia (27 ans) et Christophe (33 ans) nous ont contactés, et le courant est tout de suite passé. Ils nous ont montré qu’ils étaient très sérieux sur leurs projets. Ils se sont reconvertis et ont obtenu fin octobre leur Brevet professionnel responsable d’exploitation agricole.   

Feat-Y : Que se passera-t-il le 1er janvier 2021 ?

M.L. : Le 1er janvier est le jour de la reprise de la ferme. On va démarrer sous forme d’AMAP dans un premier temps, puisque les restaurants sont fermés jusqu’au 20 janvier. Cela nous permettra d’écouler la production.

Feat-Y : Proposerez-vous des animations à destination du public ?

M.L. : Ce sera un lieu ouvert : nous souhaitons aller à la rencontre des gens. Il y aura certainement une vente à la ferme de quelques produits. Toute personne est la bienvenue pour venir nous aider ! C’est un projet collectif et accessible aux bénévoles : par exemple, ce sont eux qui prépareront les paniers d’AMAP.

Propos recueillis par Mélanie Domergue

Infos :

Campagne de financement participatif Zeste : https://www.zeste.coop/fr/communile-rachete-une-ferme

Page Facebook de la ferme maraîchère bio : https://www.facebook.com/lejardinsensoucie

Page Facebook du Bar’Île : https://www.facebook.com/lebarilenantes

Page Facebook du SALUT : https://www.facebook.com/SalutNantes