Bistrots : après la guerre sanitaire, l’a[paix]ro salutaire
Le rideau de fer est immobile depuis la nuit du 14 au 15 mars au Bonjour Ivresse. Comme pour beaucoup de commerces en France et dans le monde. Le temps est long au chômage technique. Alors il ne reste qu’à rêver d’une reprise pourtant encore lointaine.
Emplir une pinte putain. Incliner légèrement le verre de la main droite, main gauche fermement accrochée à la manette de la tireuse. Regarder le nectar blond se précipiter puis tournoyer entre les parois dociles du contenant de cinquante centilitres. La mousse, la belle mousse immaculée, qui débordera peut-être un peu, peut-être beaucoup (on n’aura plus le coup de poignet…).
Par contre on ne vous le cache pas, la première pinte sera pour nous, rien que pour nous, bien avant la réouverture officielle du rade. Parce qu’après… Après… Dans les bistrots, le « monde d’après » sera la résurgence du monde d’avant ! Et sous la forme d’un geyser : embrassades, accolades, alcoolades, fracas de verres les uns contre les autres, cris, larmes, baisers, trois Bud, une bouteille de Pinot, trois caïpi, sept shots de Teq’ !
Après la guerre sanitaire, ce sera l’a[paix]ro salutaire. Au comptoir, des femmes et des hommes vont ressusciter à leur première gorgée de bière ! De 18 à 127 ans ! Côté serveuse et serveur, le masque sera essentiel pour éviter de boire tous les shots qui vont nous être proposés. Plus d’un service sera saturé ! Mais pour la bonne cause ; il s’agira d’une vaste thérapie de groupe exorcisant le sur-blues du confinement. Un genre de grand raout du boire-ensemble. Et il faut espérer qu’il y aura du monde aux fenêtres, lors des fermetures à 2 h du matin, pour applaudir nos performances quotidiennes. Et pas que des voisins excédés par le bruit et la fureur.
En attendant, nous ressassons l’une des devises du bar, affichée aux murs et extraite du livre « Un singe en hiver » d’Antoine Blondin : « Si quelque chose devait me manquer, ce ne serait pas le vin mais l’ivresse. » Nous avons hâte d’en retrouver ses vertiges ; et de recommencer à dire, Bonjour Ivresse
Copyright: Cyril Masurel & FEAT-Y
