par Florence-laetitia
Il est de ces âmes qui déploient leur existence dans un clair-obscur d’ombres et de lumières, suspendues entre hier et demain, prises au piège d’un présent insaisissable. Sanhueza, de son vrai nom Romain Hevin, né le 3 mars 1989 au Chili, est de celles-là.
Adopté par un foyer où l’art était une évidence, il a grandi entre les pas de danse de sa mère comédienne et la chambre noire de son père passionné d’images. Là, dans cet antre où naissent les reflets du monde, il a appris à voir. Voir vraiment. À capter l’éphémère et à l’ancrer dans l’éternité d’un tirage argentique. Car l’argentique est son langage, sa peau, son battement intérieur. Il le questionne, le malmène, l’étreint, l’explore sans relâche, toujours en quête d’une vérité que seule la pellicule semble pouvoir révéler.
La fête l’enlace, le monde le traverse, et pourtant une solitude indicible l’habite. Dans ce tumulte, il traque la beauté là où elle se cache, derrière un regard qui s’égare, une silhouette qui s’efface, un instant suspendu entre deux éclats de rires. Son œuvre est un cocktail de féminité, d’espace et de flou, comme si la netteté pouvait trahir le réel, lui ôter sa part de mystère.
Depuis 2017, il a trouvé sa voix dans ce qu’il nomme « l’Expression Photographique ». L’image et le verbe se confondent dans un même élan, une même nécessité. Car Romain écrit comme il photographie : avec urgence. Il saisit les instants, les fige pour ne pas qu’ils s’effacent. Il s’y agrippe, persuadé que demain est déjà passé alors que l’on n’est encore qu’hier. « Je te rencontre. Tu me plais. Aime-moi. Maintenant. Tout de suite. Non. Ce n’est pas grave. Je te garde à jamais dans mon cœur. »
À Deauville ou ailleurs, dans un train ou sur un banc, il capture l’éphémère, compose avec l’imprévu. Il pourrait se laisser enfermer à jamais en bordure des bassins du jardin du Luxembourg, payer un loyer à vie au président du Sénat, juste pour capturer ces fragments de bonheur que les passants disséminent dans leur course. Il est de ceux qui regardent le monde passer, posés sur le pont Bir-Hakeim, trouvant dans le frémissement d’une rame de métro le frisson d’une œuvre en mouvement.
Depuis le 13 mars 2025, il nous invite à plonger dans cette errance artistique Chez madame Bleue. Un questionnement suspendu, une quête infinie : « L’amour est-il une modélisation mathématique et poétique ? » Peut-être. Peut-être pas. Sanhueza ne cherche pas de réponse, seulement à poser la question avec la douceur d’un grain d’argent et la folie d’un grain de peau.