OpenBubble ou l’anti-application de dating par excellence. C’est ce que formule son fondateur, Georges de La Ville-Baugé, pour qui OpenBubble se veut être « une étincelle » pour créer du lien social entre deux individus et lutter contre l’isolement. Une bulle ouverte sur l’extérieur pour le moins bienvenue tant la solitude devient envahissante dans le contexte sanitaire actuel, où le confinement rythme encore bien des vies en France comme ailleurs dans le monde, notamment pour la jeunesse. Interview.

Feat-Y : Quels ont été les constats vous menant à fonder OpenBubble ?

Georges de La Ville-Baugé : J’ai créé OpenBubble à partir d’une expérience personnelle. J’étais seul dans un endroit que j’avais choisi, dans une petite ville du sud de la France. Je passais une semaine dans cet endroit, entouré de parfaits inconnus. Au milieu de cette semaine-là, je me suis dit : « J’aimerais bien discuter avec des gens, mais il n’y a aucun moyen de le faire simplement, sans attente ». Il y a des sites de rencontre mais il n’y a pas de système qui permet de dire : « Je suis disponible pour simplement discuter, prendre un café ». Voilà la toute première étincelle menant à la création d’OpenBubble.

Ensuite, comme ancien Chief Digital Officer d’Ipsos, j’avais accès à beaucoup d’études, de chiffres. Fin 2017, je regardais les chiffres de la solitude, de l’isolement. Cela touche toutes les générations, quasiment la moitié de la population se sent seule parfois ou plus souvent. Et puisque j’estimais avoir les compétences pour lancer ce projet, je l’ai fait.

Feat-Y : Depuis les débuts de votre société, combien de personnes utilisent l’application et dans quelle proportion représente la France pour l’activité d’OpenBubble à l’heure actuelle ?

G.dLV-B : On a deux aspects dans ce qu’on fait. D’abord, il y a des utilisateurs individuels, environ cinq mille personnes dans le monde. Nous sommes une société à mission, nous luttons contre la solitude et pour la création de liens sociaux, pour que des personnes d’origines culturelles différentes se parlent, s’écoutent et se comprennent. Cette partie-là est gratuite. Notre façon de gagner de l’argent est de vendre des licences à des entreprises, à des universités, à des villes, pour qu’elles-mêmes diffusent OpenBubble auprès de leurs populations. Et là, c’est plusieurs dizaines de milliers d’utilisateurs. Aujourd’hui, OpenBubble, c’est 90% en France et 10% à l’étranger. OpenBubble est disponible en français et en anglais en termes d’interface. Mais ça permet à des gens qui parlent français, anglais, espagnol, allemand, portugais ou italien, de se parler entre eux. Cela fait déjà un tiers de la population mondiale.

crédit photo Cassandra Hamer

Feat-Y : Quels ont été les principaux retours de la part des utilisateurs et quelles anecdotes avez-vous pu recueillir ?

G.dLV-B : Nous répondons à une très grande attente de la part des utilisateurs. Ils ont tout de suite compris qu’on était différent d’une application de dating car pour se connecter sur OpenBubble, il n’y a pas besoin de mettre une photo, pas besoin de mettre une bio, ce qu’on aime, ce qu’on n’aime pas. Comme dans le slogan de McDonald’s, on vient comme on est. On met juste un prénom et c’est tout. Et on va rencontrer quelqu’un qu’on rencontre uniquement avec son prénom. Il n’y a aucun critère de choix. C’est le hasard qui va faire se rencontrer ces deux personnes qui, à partir de là, peuvent vivre ce qu’elles veulent. L’idée, c’est qu’elles partagent une conversation sympa, qui peut en rester là ou évoluer par la suite en amitié. Elles peuvent travailler ensemble. Elles peuvent tomber amoureuses. C’est leur histoire. Nous sommes là pour créer le point de contact, la première étincelle. 

Un élément, par exemple, qui permet de confirmer que nos utilisateurs comprennent bien qu’ils ne sont pas sur une app de rencontre amoureuse, c’est qu’on a la même proportion de femmes que dans la population en général. Nous avons 51% d’utilisatrices. Une application de dating qui marche très bien auprès des femmes, c’est entre 15 et 20%. Nos utilisateurs et utilisatrices ont très bien compris ce point-là. Après, on a quelques histoires, mais nous ne savons quasiment rien de ce qu’il se dit pendant les rencontres, ni de ce qu’il se passe après. Tout cela appartient à ces deux personnes. « Cela ne nous regarde pas » comme disaient Les Inconnus. On saura s’il y a eu de belles histoires sur OpenBubble indirectement, parce que quelqu’un en aura parlé sur Twitter ou ailleurs sur Internet. Mais on ne va pas chercher ce qui se passe après. Ce qui nous intéresse, c’est que la rencontre soit belle, que la conversation soit intéressante, que les deux personnes passent un bon moment. On vérifie après coup que la conversation s’est bien passée, mais on n’a aucune idée de la teneur des propos entre les deux personnes.

Feat-Y : Qu’est-ce qui différencie OpenBubble des « applications de rencontres » sentimentales du genre Tinder, Happn ou Bumble, auxquelles vous pouvez être comparé ?

G.dLV-B : Dès qu’on dit qu’on crée des rencontres, c’est ce qui vient immédiatement à l’esprit. La première différence capitale, c’est qu’on n’a pas un catalogue de profils, pas de critère de choix, pas d’objectif dans la rencontre. La deuxième différence, c’est qu’on se rend disponible au même endroit, au même moment. Il y a un mouvement d’ouverture vers l’autre qui n’est pas du tout celui qu’on a sur les applications de dating. Nos utilisateurs font cadeau de leur temps les uns aux autres, se parlent et s’écoutent, au moment où ils le choisissent, à l’endroit où ils sont. La troisième différence, très importante, c’est le modèle économique. Une application de dating a pour principal objectif à ce que ses utilisateurs reviennent. Sinon, elle perd sa source de financement. Notre financement est complètement indépendant du nombre de personnes qui vont se rencontrer. Si on vend une licence OpenBubble à une université, le prix qu’on va facturer dépend du nombre total d’étudiants. Qu’un étudiant en particulier utilise OpenBubble zéro fois, une fois ou mille fois, ça coûte exactement la même chose. On fonctionne en budget fermé. Nous ne sommes pas rémunérés sur le nombre de rencontres, et nos utilisateurs ne sont pas picousés à l’application, comme on peut l’être sur une application de dating.

Feat-Y : Qu’est-ce qui permet de s’assurer que les données à caractère privée ne seront pas revendues par OpenBubble ?

G.dLV-B : C’est un point super important ! D’abord la loi RGPD nous contraint comme n’importe quelle entreprise européenne. Mais au-delà de ça, on est très sérieux sur ce sujet-là. Premièrement, on ne sait presque rien de nos utilisateurs car au moment où on s’inscrit, on demande un prénom, on demande un numéro de téléphone pour confirmer que c’est une vraie personne. Éventuellement, un email. Les langues que la personne parle et la personne peut, ou pas, indiquer son genre. C’est tout ce qu’on demande. On n’a même pas le nom de famille. Il y a donc très peu d’informations qui rentrent. Il n’y a strictement rien qui ressort. C’est la loi et c’est notre engagement, que nous sommes très fiers de tenir. Et de toute façon, si on ne le tenait pas, ça se saurait vite, nos utilisateurs perdraient confiance et partiraient. Ce serait un très mauvais calcul de notre part.

credit photo Toa heftiba

Feat-Y : Quelles sont les perspectives de développement d’OpenBubble en France et ailleurs dans le monde à l’avenir ? Celles-ci sont-elles freinées ou accélérées par le contexte sanitaire actuel ?

G.dLV-B : La très grande différence qu’on observe entre il y a un an et aujourd’hui, c’est que jusqu’à il y a un an, quand on allait expliquer ce qu’on faisait à des interlocuteurs, que ce soient des entreprises ou des municipalités par exemple, ils étaient la plupart du temps dans le déni. La solitude est un truc qui fait peur. Soit pour soi-même, soit pour son environnement. Beaucoup de personnes nous disaient : « C’est très bien ce que vous faites. Moi, je n’en ai pas besoin, à titre personnel ou en tant qu’outil pour mon entreprise, mais j’en connais plein qui en ont besoin. C’est super ! Continuez ». Un an plus tard, on ne peut plus faire l’impasse sur la solitude, sur l’isolement. Il y a eu mille histoires qui sont sorties dans les médias sur le fait que les jeunes, notamment les étudiants, se sentaient très seuls, très isolés, en cette période. OpenBubble est un élément de réponse à ce sentiment de solitude. C’est un outil parmi d’autres, mais un outil qui fonctionne. On a des stats là-dessus, nous aidons les personnes qui ont envie de communiquer avec d’autres à le faire simplement, et à se sentir moins seules. À l’origine, OpenBubble, c’était des rencontres autour d’un café, dans la vraie vie. On a développé OpenBubble.online à partir d’avril 2020, pour que les gens continuent à pouvoir se parler à travers Internet, toujours avec la philosophie OpenBubble. On attend avec impatience, comme l’immense majorité des gens, que les bars et les lieux publics rouvrent. Et nous permettrons alors à ceux qui se sentent, un petit peu, timides, à ceux qui se sentent introvertis, à participer à cette grande fête, à laquelle on va tous jouer quand on aura le droit de se retrouver. Et ce, en France comme partout dans le monde.

Propos recueillis par Jonathan BAUDOIN

plus d’infos:

https://www.openbubble.eu/