Par Florence-Laetitia
Parfois, les plus belles découvertes ne crient pas leur nom. Elles murmurent. Elles avancent masquées, laissent le mystère précéder la mélodie. Frankoeur TC est de celles-là. Derrière son visage dissimulé, c’est une voix nue qui se dévoile, une musique sans fard qui frappe juste. Découvrir Frankoeur TC, c’est entrer dans un univers à double fond, où le droit côtoie la chanson, où l’opéra flirte avec le rap, où les racines gabonaises se mêlent aux battements de la France. C’est entendre un artiste marcher sur le fil, entre ombre et lumière, pudeur et vérité. Son masque n’est pas une barrière : c’est un choix artistique, presque une boussole. Il invite à écouter autrement, sans préjugé, sans visage imposé. Dans chaque texte, dans chaque note, Frankoeur TC livre un peu plus que de la musique : il donne accès à un monde intérieur, à une sensibilité rare. Une rencontre singulière, inattendue. Une découverte qui, une fois faite, ne s’oublie pas. Interview
Florence-Laetitia: Pourquoi avoir choisi de porter un masque ? Que symbolise-t-il pour toi ?
Frankoeur TC: Le choix du masque s’explique par plusieurs raisons. La première, c’est la volonté de préserver une certaine intimité. La seconde, c’est que la musique n’est qu’une partie de moi. Je ne pense pas que l’être humain puisse se résumer à une seule chose, un seul métier, une seule passion, etc. Il y a Frankoeur TC, et il y a moi, avec toutes mes autres passions, mes autres rêves. Le masque symbolise donc à la fois le mystère et la multiplicité.
FL: Ton masque évoque autant “Un Monstre à Paris” que “Le Fantôme de l’Opéra” : ces figures t’inspirent-elles ? Pourquoi ?
FTC: Un Monstre à Paris m’a marqué, autant par sa symbolique que par ses chansons. Le Fantôme de l’Opéra, parce que je suis un grand fan de théâtre et d’opéra. Quand j’ai décidé d’assumer pleinement ma passion pour la musique, l’idée de dissimuler mon visage s’est imposée naturellement. Il fallait trouver l’outil de dissimulation qui corresponde à ma personnalité et à ma direction artistique.
FL: Tu es docteur en droit et musicien la nuit : comment ces deux mondes nourrissent-ils ton art ?
FTC: Le droit est un domaine qui m’a toujours attiré, depuis mon plus jeune âge, notamment avec des séries comme Ally McBeal. La musique, elle, a toujours fait partie de mon quotidien : mon père était artiste. Le droit me permet de trouver les mots, la musique me permet de les exprimer. Au fond, en droit comme en musique, il s’agit de convaincre : le public d’un côté, le juge de l’autre.
FL: On t’a déjà comparé à Yamé, Stromae ou encore Gims, mais ne penses tu pas que ton univers est totalement différent?
FTC: C’est flatteur d’être comparé à des artistes aussi talentueux, même si nos univers sont différents. La comparaison est inévitable en musique, mais chacun suit son propre chemin.
FL: Est-ce que ton parcours d’étudiant en droit influence ton regard sur les injustices et ton écriture musicale ?
FTC: Mon parcours en droit influence clairement mon écriture. En ce qui concerne mon regard sur les injustices, c’est surtout mon vécu qui m’y sensibilise. Je suis étudiant. Je suis noir. Je suis à découvert au milieu du mois. J’ai été déçu dans mes relations. J’ai aimé, pleuré, vécu.
FL: Est-ce que tu as le sentiment de représenter une double culture, entre le Gabon et la France ? Comment cela se traduit-il dans ta musique ?
FTC: Le Gabon fera toujours partie de moi. J’y suis né et j’y ai grandi. La France fait aussi partie de moi : j’y vis et je m’y épanouis. Quand je compose, il y a toujours un clin d’œil au Gabon dans les sonorités. Il m’est impossible de ne pas avoir cette double approche.
FL: Un opéra moderne signé Frankoeur TC, c’est quelque chose que tu envisages ?
FTC: Il existe déjà une salle de théâtre, de danse, de musique et de chant portant le nom de « Francoeur » à Paris. Comme beaucoup d’artistes (chanteurs, rappeurs, humoristes, etc.), je pense que l’art est une porte ouverte sur de nombreuses opportunités. Au-delà de la musique, je nourris aussi le rêve du cinéma mais pas en tant qu’acteur.
FL: Si tu devais résumer ton projet musical en une seule phrase percutante, ce serait laquelle ?
FTC: « Une musique sans masque, portée par un homme masqué. »
FL: Ta madeleine de Proust?
FTC: Le silence m’aide à m’évader, mais surtout à me souvenir.