« Mon point de vue est que la fourrure recyclée va sauver l’artisanat »

Par Jonathan Baudoin

Entre la fourrure industrielle, basé sur de l’énergie fossile, polluante, et les anti-fourrure, une troisième voie existe et tient à se faire remarquer et estimer à sa juste valeur. Quentin Véron tient à faire valoir une production de fourrures entièrement recyclée et artisanale, et que cette alternative qu’il présente depuis 2009 est la plus à-même de pérenniser le secteur de la fourrure, à ses yeux, durant cet échange accordé pour Feat-Y. Interview.

Feat-Y : Quel est votre parcours ? Venez-vous du milieu de la mode ?

Quentin Véron : Je ne viens pas du tout du milieu de la mode. À la base, je viens du monde de l’équitation. Mes deux parents sont dans l’équitation. Ma mère est monitrice et mon père est cavalier professionnel. J’ai vécu entre l’Auvergne et Fontainebleau. Je suis monté à Paris parce que la mode m’attirait. Mais j’étais un peu déçu à mon arrivée, puisqu’on ne faisait pas beaucoup de travail d’atelier, mais beaucoup de dessins dans des studios. Surtout quand j’ai bossé pour Jeremy Scott à Los Angeles. Je me suis tourné vers la fourrure parce que ce côté atelier me rappelait, je ne sais pas pourquoi, un peu les écuries de mon père.

” j’en avais marre de voir des gens porter de la fausse fourrure, qui est pour le coup un vrai désastre pour l’environnement puisque c’est du plastique et du pétrole “

Feat-Y : Qu’est-ce qui vous a poussé à recycler de la fourrure ? 

Q.V : J’ai toujours fait ça. D’abord pour moi. Je ne portais que des manteaux vintages que je retapais un peu pour moi. C’est toujours ce que j’ai proposé aux clients. C’est juste une logique implacable. C’est la matière qui se recycle le mieux et que j’en avais marre de voir des gens porter de la fausse fourrure, qui est pour le coup un vrai désastre pour l’environnement puisque c’est du plastique et du pétrole. Je voulais leur montrer qu’il y a une solution plus logique, qui est de recycler des vieux manteaux et d’en faire des pièces nouvelles.

Feat-Y : Depuis combien de temps existe votre marque quelles ont été les évolutions ?

Q.V : Ma marque existe depuis 2009. Les évolutions sont assez simples, assez logiques en fait. J’ai commencé dans le prêt-à-porter. Après, quand il a commencé à y avoir trop de commandes, j’ai trouvé plus intelligent de passer en haute couture pour diminuer le nombre de pièces, parce que j’ai toujours été contre la surconsommation. Quelle qu’elle soit. Mais même avec des prix couture, vu que je faisais de la fourrure, ça ne ralentissait pas vraiment le nombre d’achats, j’ai donc décidé de complètement arrêter les showrooms, les collections, et de passer à une clientèle privée. Depuis 2015, je suis à 100% clientèle privée. Je suis à 100% sur de la pièce unique, du sur mesure. J’ai un réseau clientèle qui me permet de ne faire que ça.

Feat-Y : Avez-vous développé des partenariats avec des sociétés de haute couture en France et ailleurs dans le monde ?

Q.V : Le fait que j’étais déjà une marque de haute couture, c’est une sorte de partenariat. J’ai beaucoup de gens intéressés. J’ai déjà fait de la fourrure pour pas mal de gens. Je pense que ça va arriver encore plus avec la fourrure recyclée. Juste que, pour l’instant, les gens sont encore dans une sorte de combat anti-fourrure et ne sont pas encore vraiment ouverts à une autre solution qu’est la fourrure recyclée. L’opinion publique pense que la fourrure, ce n’est pas bien. Ils ne sont pas encore dans l’idée de se dire qu’il y a une meilleure solution que le plastique. Mais ça vient petit à petit. Il y a des végans qui commencent à mes soutenir, parce qu’ils ont bien compris que le plastique n’est pas une solution à long terme.

Quentin Veron

” je considère que la fourrure doit retrouver son but premier et tenir au chaud des gens qui en ont besoin. J’aimerais bien faire un projet caritatif avec ma marque de mode. “

Feat-Y : Avez-vous remarqué une évolution vers davantage de recyclage et moins de déchets dans l’univers de la mode en général, et dans la fourrure en particulier ? Pensez-vous y avoir contribué, d’une certaine manière ?

Q.V : Dans la mode, je pense qu’on est tous clairs que maintenant, c’est même devenu un argument marketing. Ce que je trouve bien parce que c’est logique, ça produit tellement beaucoup, la mode. Il y a une réelle évolution au niveau de la mode. Dans la fourrure, le changement est plus compliqué en fait. Tous les fourreurs et les autres acteurs de la fourrure sont, quand même, un peu gérés par les lobbys des très riches marchands de peaux, qui leur ont permis d’avoir plein d’aides pendant des années, et ils sont un peu bloqués avec ça. Moi, je suis complètement indépendant depuis le début ! Je n’ai jamais été proche de ces lobbys-là. J’ai pu vraiment me permettre de mettre de la fourrure recyclée et de ne parler que de ça. Ça ne leur a pas fait plaisir du tout quand j’ai commencé. Je me suis fait d’ailleurs taper sur les doigts. Mais je ne devais rien à personne, en fait. Et maintenant, je pense avoir contribué à quelque chose parce qu’ils reviennent vers moi, ils s’excusent d’avoir été réfractaires, ils comprennent que j’avais raison. Sauf que, pour moi, le problème n’est pas de s’excuser. Il faut vraiment changer et faire évoluer les façons de faire. Je pense que je vais y contribuer encore plus car je suis un des plus jeunes dans leur univers et qui sait tout faire. Je sais créer et fabriquer de la fourrure. Je suis un artisan et ça parle aux anciens. Et j’ai le look et l’âge pour parler aux plus jeunes. Je pense qu’ils commencent à comprendre ça et qu’ils commencent à comprendre qu’il faut changer leur façon de faire et qu’ils arrêtent de penser qu’avec leurs peaux et qu’ils commencent à penser à sauver l’artisanat avant tout ! Mon point de vue est que la fourrure recyclée va sauver l’artisanat. Parce que l’artisanat n’a pas besoin de vivre qu’avec de nouvelles peaux. Il peut vivre avec des peaux recyclées.

Feat-Y : Quelles sont vos sources d’inspiration pour vos créations ?

Q.V : Mes inspirations sont assez simples. Je suis inspiré par Tim Burton à la base. Par Edward Gorey, John Bauer. Tous ces artistes, très poétiques, qui ont un fort esprit imaginaire. Après, le 19e siècle. Que ce soit du côté des cow-boys, du côté des styles victoriens, m’ont toujours inspiré. Après, ça peut paraître bizarre, mais je m’inspire beaucoup des animaux eux-mêmes. Je suis un grand fan de documentaires animaliers. Il y a beaucoup de mélanges de matières que je fais, qui viennent directement des choses que je peux voir dans la nature.

Feat-Y : À terme quels sont vos projets pour vos futures collections ?

Q.V : Ce qui va se passer cette année, c’est que ma marque de mode, qui s’appelle Quentin Véron, va sûrement relancer des collections à la fin de l’année. Avec le Coronavirus, je ne sais si ça va se débloquer, mais je vais sûrement relancer des collections. Mais juste sous une nouvelle forme. C’est que je vais sûrement faire des galas, des ventes aux enchères, avec une grande partie qui sera reversée à des associations. Parce que je considère que la fourrure doit retrouver son but premier et retenir au chaud à des gens qui en ont besoin. J’aimerais bien faire un projet caritatif avec ma marque de mode. Sinon, je vais continuer mes clients privés. Actuellement, je suis sur trois à quatre mois d’attente pour une commande, parce que j’ai beaucoup de demandes. Et surtout, le grand truc de cette année, c’est que je vais monter une société de recyclage de fourrures. On va monter une fabrique en Auvergne. On va organiser le sourcing du manteau de fourrure vintage et le démontage des manteaux pour les revendre comme des matières premières. Le projet s’appelle « VQ (ou Vécu) ». Ça va prendre forme cette année. J’ai trouvé le lieu en Auvergne. C’est là où je suis pendant le confinement. On est en train de travailler là-dessus pour que la fourrure recyclée soit présentée comme une matière première. Pour que les gens n’aient pas besoin d’imaginer qu’il faut qu’ils démontent le manteau et qu’ils le préparent. Tout est préparé en amont. Ils peuvent acheter la peau recyclée comme ils achetaient des peaux à l’époque !

Feat-Y : Si vous étiez un film, lequel seriez-vous ?

Q.V : Dead Man, de Jim Jarmusch

Feat-Y : Si vous étiez une chanson, laquelle seriez-vous ?

Q.V : « The Devil Wears a Suit and Tie », de Colter Wall

Feat-Y : Pour quelle raison ?

Q.V : J’aime l’ambiance, l’énergie. Même la cover d’album, je la trouve super belle.

Feat-Y : Si vous étiez un personnage historique, ce serait qui ? Pourquoi ?

Q.V : C’est dur ! (Il réfléchit) Je serais Edward Gorey parce qu’il m’inspire énormément par ses dessins. C’est lui-même l’inspiration de Tim Burton. Puis il s’habillait toujours avec un manteau en fourrure.

Feat-Y : Si vous étiez un pays, ce serait lequel ?

Q.V : Ce ne serait pas vraiment un pays. Ce serait plus une région du monde. Je serais la Scandinavie, je pense.

Feat-Y : Pour le côté hivernal, polaire…

Q.V : Oui. C’est pour le côté forêt. Puis c’est le côté tous les contes viennent de là-bas. C’est tellement poétique comme région ! Je suis auvergnat. On a ces forêts-là, où il y a un côté un peu enchanté. Mais alors là-haut, c’est un autre niveau !

Feat-Y : Si vous étiez un animal, lequel seriez-vous !? 

Q.V : Une orque ! J’ai une passion pour les orques ! Je suis pas fan de l’eau mais j’adore les orques.

Feat-Y : Si vous étiez une époque, vous seriez laquelle ?

Q.V : Le 19e siècle, je pense.

Feat-Y : Par rapport aux cow-boys, au style victorien ?

Q.V : J’ai l’impression qu’à cette époque-là, je me serais senti chez moi. Que ce soit en Europe ou aux États-Unis. Tout m’inspire, tout me plaît.

Propos recueillis par Jonathan Baudoin

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