L’éthique est une question de morale, qui change selon les individus et leurs influences culturelles, professionnelles et sociales. On associe rarement l’érotisme à la morale, mais Elodie s’est lancée le challenge de nous prouver le contraire en créant Praline et Priape, un sex- shop qui se veut léger, bienveillant, avec une ligne de conduite écologique. 



Comment une étudiante en sociologie, que dis je une sociologue ! Devient la cheffe d’entreprise d’un sex-shop ?


C’est un parcours un peu particulier, c’est vrai ! C’est durant les études de sociologie que j’ai eu l’opportunité de travailler sur une étude comparative entre les couples dit « normaux » et les couples echangistes. J’ai trouvé que c’était un domaine riche, avec beaucoup de tabous et de choses à faire. L’envie de créer une entreprise a toujours été présente et 2 ans après mon diplôme, j’ai quitté mon emploi et je me suis lancée ! Après tout, je prenais au pire un emploi, derrière, mais je ne voulais pas rater l’aventure.


Tu n’es donc pas une ancienne porno star en reconversion dans son domaine, ou une “ pauvre” femme “ innocente” sous l’influence d’un vilain monsieur ? Juste une entrepreneuse qui a mis le doigt dans une niche ?

Alors effectivement, je n’ai pas de parcours lié au domaine du contenu pour adulte à la base. J’ai tout de même participé aux startup weekend sur la sextech, et j’avais gagné le coup de coeur Dorcel, avec le projet « Porn it yourself » à l’époque. Cela m’avait permis d’être incubée dans les locaux de Dorcel et de mieux découvrir cet univers.
Il n’y a pas l’influence d’un gentil ou vilain Monsieur dans mon aventure, des associés, salariés, oui, mais je suis bien la fondatrice de mon entreprise.

« Porn it yourself » : Il s’agit de Porn it Yourself, sorte de Airbnb qui met en relation des couples désireux de réaliser une vidéo pour leur usage personnel et des équipes de tournage de films X.


Qu’est-ce que ton sex-shop a de plus ? En quoi est-il différent des autres ? Tu penses avoir réussi à créer le sex-shop de tes rêves ?

Je dirai une équipe, 100 % féminine, un bagage sociologique qui aide vraiment à conseiller les personnes et surtout, ce que je préfère, un univers de marques fun, chics et décalés qui décomplexe.
Le sex-shop de mes rêves ? Pas encore, c’est en route ! Je pense qu’il y aurait un magasin physique, tous les produits bio et matières naturelles. Une machine de mon invention à l’entrée du magasin qui permettrait aux clients de laisser leurs inhibitions de coté, se lâcher pleinement !

Quels ont été les réactions à l’annonce de la création de ton entreprise ? Les Proches, les amis ou l’administration ?

Mes proches, je suis contente, ont très bien réagi pour la plupart ! Ma mamie, qui avait peur que ce soit un domaine « dirigé par la mafia » 

aha! Mon père était plus inquiet du fait que je quitte mon CDI pour l’aventure, ma sœur super encourageante comme tous mes amis. Il n’y a que ma mère qui avait caché que je devais être déviante pour me lancer là-dedans. 
Les pires réactions ? De l’administration. 
30 banques pour en trouver une qui accepte mon dossier, on ne me recevait pas parfois, juste le fait d’énoncer le type de produits vendu, c’était un refus. Idem pour les assurances. Ils ne veulent pas être associés au domaine. 
Pour mon incubateur, la couveuse d’entreprise, il y a eu des comités éthiques pour savoir si l’on pouvait m’accepter.
C’est hypocrite, à ces gens-là, j’ai envie de dire, montrez-moi l’historique de votre ordinateur !


Tu as une anecdote courte et amusante à nous raconter ?

Oui, Le jour ou on avait un stand sur le salon du mariage de Paris, une vieille dame et sa fille se sont approchées de nous, pensant qu’on vendait des dragées (à cause du nom Praline). Quand elles ont compris, la fille était hyper gênée alors que  la mère, super à l’aise s’est inscrite comme modèle chez nous !

Il y a aussi le jour où j’ai essayé d’expliquer à mon papy ce qu’était une vaginette. Depuis quand je lui offre quelque chose, il demande à ma grand-mère de vérifier ce que c’est. « Parce qu’avec Elodie, on ne sait jamais ». (je l’ai pris comme un compliment !)


C’est compliqué d’être une femme dans ce domaine ? 

C’est difficile d’entreprendre tout court, encore plus quand on est une femme, qui plus est dans ce milieu.
C’est facilitateur, pour conseiller, les femmes et même les hommes préfèrent avoir les conseils d’une femme, ils semblent plus à l’aise.
Je dirai que c’est un avantage, car comme il y a peu de femmes, on se démarque, et ce que je n’aime pas, c’est qu’il ne faut pas hésiter à en jouer dans ce monde d’homme.
Parfois, l’on n’est pas prise au sérieux, on m’appelle « ma belle » « ma petite. » 
J’assume pleinement mon entreprise et le domaine. C’est juste parfois fatiguant également  qu’on m’associe forcément à mon domaine. De me demander par exemple, si je teste tous mes sextoys, si je suis « chaude du coup ». On dirait que ça rend un peu dingue les gens et certains deviennent bizarres.



Ton équipe est constituée que de femmes, c’était volontaire ou du total hasard ? Est ce que cela un impact dans votre manière d’interagir avec vos interlocuteurs, professionnellement parlant ? 

Total hasard ! En général, j’ai plus de candidatures de femmes pour postuler dans mon équipe, après je sélectionne les personnes qui me semblent les plus compétentes. Ce n’est pas de ma faute si ce sont des femmes Aha!!
J’avais un associé homme qui avait rejoint l’aventure, mais il est parti. Et là, de n’être que constitué de femmes, je trouve cela valorisant, même si le point de vue masculin sur les approches ou les produits reste important.



Penses-tu être une féministe et activiste ? (parce que moi oui!)

Oui carrément !
D’ailleurs, toute l’équipe l’est, et dès que l’on peut contribuer d’une manière ou d’une autre à notre échelle, on fonce.
On met en valeur les actions, on recadre si besoin et on fait beaucoup de veilles sur le domaine. 

Ce qui a attiré mon attention et permis de te découvrir, c’est la gamme bio du site ! Est – ce que cela change le type de clientèle ou l’intensité du plaisir ? Pourquoi il était important d’avoir une gamme bio ? 

Alors pour le coup, la clientèle varie un petit peu pour ce type de produits. Ce sont des gens qui font vraiment attention à la composition et la provenance de ce qu’ils prennent.
Nous avons pas mal de produits cosmétiques naturels et fabriqués en France. Le label bio coûte cher, si je pouvais, tout le catalogue serait bio, mais il n’y en a pas encore assez sur le marché. 
C’est important, car les gens savent se méfier de certaines crèmes de jour, maquillage, mais pour les produits intimes, les gens sont souvent mal informés. Je veux proposer des produits en étant transparente avec la communauté.


C’est quoi d’ailleurs un vibromasseur biodégradable et recyclable ? J’ai essayé d’imaginer comment recycler mon vibro et j’avoue …. J’ai séché !

Alors, actuellement il n’y a que la gamme Gaia de Blush novelties qui propose ce type de sextoys: C’est en biofeel, amidon de mais. La composition est saine pour l’intimité et ne pollue presque pas. Bon, ça fonctionne à piles tout de même. (je conseille aux gens de prendre des rechargeables.) Et j’attends avec impatience ceux qui fonctionnent à énergie solaire ! Aha
Pour recycler, c’est particulier, il y a plusieurs composants dans les sextoys, il y a parfois des collectes pour recycler en échange d’un bon d’achat de certains géants du domaine. J’adorerai le mettre en place, ça ferait de parfait porte manteaux !

Toi ou les membres de ton équipe, vous testez vos produits en amont ? Genre crash test ? Avez-vous déjà eu des soucis avec du matériel ?Parmi les produits proposés, tu as un ou des sex-toy préféré(s)? Si oui lequel ? Et pourquoi ? Techniquement parlant bien sûr !

(… Mais si tu veux partager avec nous ton meilleur orgasme avec accessoire, le champ est libre.)

Ahah j’aime bien le coté crash test, oui, ça on le fait surtout dès qu’on veut intégrer une marque, qui n’est pas très connue, on veut vérifier la qualité, les effets annoncés. On se marre bien au bureau !Mais oui, les produits sont régulièrement testés et parfois on en fait des articles.On propose aussi à certains membres de la communauté d’en tester gratuitement.

C’est arrivé d’avoir un produit défectueux, relatif à un problème de fabrication, mais on n’a jamais eu de véritable problème la dessus.

Je crois que la révélation a été avec le stimulateur clitoridien, le sona de Lelo. C’est comme si j’avais découvert une nouvelle façon de jouir ! J’ai joui en moins d’une minute.
C’est ce que j’adore dans cet univers, j’en découvre véritablement tous les jours et c’est passionnant !

Parle-moi de cette fameuse bière aux lactobacilles vaginaux !

Ces bières nous ont vraiment permis de nous faire connaître. Je cherchais un produit atypique et exclusive pour nous démarquer. Et en faisant de la veille avec mon associé, on s’est dit, banco, c’est fun, décalé et à Lille on adore la bière.
J’avais peur que ce ne soit que du marketing, mais c’est un vrai concept d’élaboration de bière et surtout elles sont bonnes !
2 bières, Monica et Paulina, 2 femmes qui ont contribué au produit. En fait ils font un prélèvement vaginal, ils conservent le lactobacille en laboratoire, le développent en culture pour en faire une levure et brassent la bière avec. Cela nous vient de Pologne.
Il y a vraiment eu tous types de réactions face à cette bière. Soit les gens trouvaient ca répugnant, soit ils étaient intrigués. En tous cas, cela a fait un gros buzz.
Je suis ravie, j’ai trouvé ça génial que l’on réussisse à faire ça avec notre vagin ! On peut le faire avec le sperme de l’homme aussi, mais étrangement, pas de marché pour cette bière, homme et femme ne veulent pas la goûter.


Compte tu avoir une boutique physique ? Quels sont tes futurs projets ?


Oui, tout à fait, je pense que notre univers collerait super bien en boutique ! Mais c’est à moyen terme, surtout avec ce qu’il s’est passé ces derniers temps, c’est le type d’investissement lourd que l’on réfléchit à deux fois.
Sinon coté projet, nous développons le réseau de réunions à domicile et également de nouveaux produits qui arriveront prochainement.



Pour terminer sur de bonnes vibrations : un accord avec une yoni (la bière), un sex- toy et un son ?

Donc un verre de yoni bien frais, la chanson Ride it de Regard avec le fameux sona de Lalo. Je trouve le clip génial et c’est un bon mix pour s’abandonner au plaisir. Et pour augmenter l’intensité du plaisir, je fais un tour sur la school of squirt ou j’ai appris à squirter.

Êtres de chairs et de désirs ! Nous avons tous des fantasmes, des envies et le besoin de les explorer dans un cadre serein, avec des outils en accords avec nos principes. Pour moi, Praline et Priape répondent ou en tout cas tente de répondre à ces attentes, alors j’espère que vous aurez autant de plaisir que moi à explorer leurs univers.

                                                           Free, green, sex and safe! 

                                                                 la bise bien grosse.