Tuco : « Je considère ce projet comme étant une carte de visite »

Comment afficher un regard rétrospectif sur sa vie en musique ? C’est ce à quoi s’est attaqué Tuco, avec son dernier album Gadamn, sorti fin février. Un retour teinté de bienveillance sur ses débuts, quand il s’appelait Natty Boss, et l’envie de marquer une nouvelle étape dans sa vie artistique rythment cet album, avec parfois des résonnances avec cette période complexe que nous vivons. Interview.

Feat-Y : Qu’est-ce qui t’a inspiré ton album, Gadamn ? 

Tuco :  C’est un peu toute ma vie, j’ai envie de dire. Les hauts et les bas par lesquels j’ai pu passer. Les différentes questions et prises de conscience que j’ai pu vivre. Les différentes aventures de la vie, en général.

Feat-Y : En écoutant l’album, je suis frappé par la chanson « Wah Wah », qui relate le côté pressé de notre monde. Est-ce que la période de confinement que nous vivons n’offre pas un contraste saisissant avec le thème de cette chanson ?

Tuco : Oui et non parce qu’au final, je dis « ils mentiront tous, tour à tour/le temps fait le même tour tous les jours/on vit pour l’oseille ou l’amour ». Il y a quelque chose qui représente bien aussi la période qu’on vit, dans le sens où on est confiné ; c’est un peu pareil tous les jours. À la télé, on ne sait plus trop qui croire, quoi croire au niveau des infos. La quantité de fake news qui tournent constamment. La quantité d’informations erronées qu’on peut recevoir. Au contraire, il est, à la limite, très actuel, le titre « Wah Wah », je pense, je laisse les auditeurs se faire leur avis en découvrant ou en redécouvrant. 

Feat-Y : Est-ce qu’on peut dire que cet album marque une nouvelle étape dans ta carrière musicale ?

Tuco : Clairement. Je considère ce projet comme étant une carte de visite de l’artiste que je suis devenu au fil des années. Je considère aussi que c’est une première étape à un long plan et un projet qu’on a entamé avec mon manager. Disons que c’est une étape importante. C’est un renouveau. Une représentation de l’évolution de l’artiste et de qui je suis aujourd’hui. C’est un moyen de se présenter et de proposer mon art actuel à ceux qui veulent bien le recevoir.

Feat-Y : Pourquoi as-tu changé de nom, passant de Nathy Boss à Tuco ?

Tuco : J’ai changé de nom par nécessité de renouveau. J’étais à un tournant de ma vie personnelle qui a fait que j’ai préféré prendre mon surnom un peu quotidien, que mes potes, mon entourage, me donnaient. J’ai une carrière assez longue. Nathy, c’était mon surnom de petit garçon. Je suis arrivé dans la musique comme ça. J’ai eu besoin de m’affirmer pour moi-même. 

Feat-Y : Justement, le nom Tuco est-il une référence au personnage du film Le bon, la brute et le truand ?

Tuco : Ce n’est pas une référence, mais j’y ai pensé. Ça fait partie du paysage parce que c’est un personnage emblématique, Tuco. Mais ce n’est pas une référence à ça ! C’est né naturellement comme ça. Mes amis et ma famille se sont mis à m’appeler Tuco, et c’est resté, en fait.

Feat-Y : Vu ton parcours musical, commencé très jeune (à 13 ans), quel regard portes-tu sur le jeune Nathy et quels conseils lui donnerais-tu aujourd’hui ?

Tuco : Je porte un regard plein de bienveillance par rapport au jeune qui s’est lancé dans cette aventure, sans trop savoir dans quoi il mettait les pieds. Et aujourd’hui, ce que je dirais à ce mec-là et à n’importe quel autre jeune, d’ailleurs, qui se lance dans cette aventure artistique, qu’elle soit musicale ou autre, c’est d’apprendre à surveiller ses intérêts, d’apprendre le business, d’apprendre de quelle manière les choses fonctionnent dans les industries concernées et de ne pas faire confiance aveuglément. D’apprendre au maximum pour pouvoir maîtriser au mieux son parcours, si possible.

Feat-Y : Est-ce que d’autres arts, comme le cinéma ou la peinture, sont une source d’inspiration pour toi et serais-tu tenté de t’y exprimer à l’avenir ? 

Tuco : Bien sûr. Je suis très intéressé par toutes les formes d’art, en général. Je suis devenu comédien au fur et à mesure de mon parcours. C’est quelque chose que j’aime beaucoup et que je vise à développer de plus en plus au fil des années. D’autres formes d’art, je n’en pratique pas 20.000, même si la vie pousse constamment à créer quelque chose. C’est une forme d’art. À part le cinéma, il n’y a, pour l’instant, pas d’autres branches dans lesquelles je me lance sérieusement. Mais je suis très inspiré par tout ce qui vit, tout ce qui se fait, tout ce qui est créé à partir de quelque chose ou de rien.

Feat-Y : Peut-on savoir qui est la personne qui t’a inspiré la chanson « Amazone » ?

Tuco : C’est une Amazone, dont je tairais le nom. Comme je te le disais au départ, c’est un moment de vie.

Feat-Y : Dans l’album, on t’entend chanter en créole. Est-ce une manière de rester en lien avec tes racines guadeloupéennes ?

Tuco : En fait, je suis en lien constant avec mes racines guadeloupéennes. C’est plus une manière de me faire plaisir et une manière de m’exprimer qui est celle que j’ai au quotidien, si tu veux. Je parle en créole avec ma famille, mes amis, tous les jours. C’est un moyen de m’exprimer qui me fait du bien. Ce qui est intéressant, c’est que je suis ce qu’on appelle un « négropolitain ». Je suis né et j’ai grandi en métropole. Il y a le fait de mettre en avant notre culture et notre histoire, et notre langue, et notre pays par la même occasion.

Feat-Y : Quel regard portes-tu sur la situation dans les Caraïbes en général, en Guadeloupe en particulier, indépendamment du contexte actuel ?

Tuco : Je ne suis personne pour juger ou donner des leçons. Surtout que je ne vis pas dans la Caraïbe. Je la vois d’un œil qui est, malgré tout, assez extérieur parce que je vis en Europe. Mais je vois bien qu’il y a énormément de choses qui ne tournent pas rond au niveau de l’éducation, de la santé, du commerce, ou parfois des législations. Il y a plein de choses qui sont à modifier, je pense, dans les fondements mêmes des territoires, pour pouvoir répondre à cette question. Ça part vraiment de la racine, de comment le système fonctionne là-bas, les soucis, à mon avis. Mais comme je le dis, je ne fais pas de politique. Qui suis-je pour en parler ?

Feat-Y : Si tu étais un film, lequel serais-tu ?

Tuco : Amistad. C’est le premier qui me vient en tête.

Feat-Y : Si tu étais une chanson, laquelle serais-tu ?

Tuco : « Redemption song » de Bob Marley.

Feat-Y : Si tu étais un personnage historique, ce serait qui ? Pourquoi ? 

Tuco : Elle est forte, celle-là. J’ai envie de te dire Bob Marley, encore. Parce que c’est, un peu, les fondements de qui je suis. J’ai grave été éduqué dans sa musique, et dans le reggae en général. Puis c’est sûrement l’un des derniers prophètes contemporains. Quitte à revivre l’existence d’un personnage historique, Bob Marley, c’est pas mal.

Feat-Y : Si tu étais un océan ou une mer, ce serait lequel ?

Tuco : La mer des Caraïbes.

Feat-Y : Si tu étais une île des Caraïbes, ce serait laquelle ?

Tuco : La Guadeloupe. Quelle question ! Facile, celle-là !

Feat-Y : Si tu étais un animal, lequel serais-tu ? 

Tuco : Un lion, parce que c’est un des animaux les plus majestueux qui soient. Et puis parce que c’est représentatif de ma culture. Je choisis le lion, mon cher monsieur !

Propos recueillis par Jonathan Baudoin