Sarah Schinasi a réussi à imposer son nom dans l’univers très fermé de la scène lyrique.  Depuis plus de vingt-cinq ans elle arpente les scènes du monde entier. Elle répète au TNN dans le Chat en Poche avec Muriel Mayette-Holtz une pièce décapante et hilarante de la scénariste Anat Gov. .

Combien de  femmes se revendiquent le titre de metteur-en-scène d’opéra ? Bien peu en réalité, car la scène lyrique est encore majoritairement masculine, le monde anglo-saxon semble toutefois faire exception à cette règle avec trois metteur-en-scène qui ont atteint le firmament de leur Art : Deborah Warner, Katie Mitchell et Fiona Shaw.

Inutile de préciser que pour s’imposer dans cet univers impitoyable pour les femmes, il convient de faire montre d’un talent exceptionnel.

L’Italie possède sa metteur-en-scène d’opéra en la personne de Sarah Schinasi, fille du célèbre peintre, père du néo-futurisme, Daniel Schinasi elle a fait ses classes en Toscane, mais aussi à Londres avant de diriger les plus grands opéras de par le monde.

Prête à relever tous les défis 

Rien ne l’arrête, et là où certains y verraient un obstacle, elle le contourne avec bonhommie   et enthousiasme. Le premier confinement la surprend à Nice, mais passés les premiers jours de désarroi elle bat le rappel des artistes avec lesquels elle a l’habitude de travailler et organise des opéra-capsule. Au programme des airs d’opéra interprétés par le baryton Massimo Cavalletti accompagné par le pianiste et chef d’orchestre Eitan Schmeisser, Shalva Mukeria qui interprète Rigoletto ou encore Fabio Armiliato pour Andrea Chénier, Ahinoa Arteta pour Adriana Lecouvreur, Elisabeth Vidal dans Rigoletto, Svetla Vassileva dans Tosca, Marco Berti dans Turandot, Stephen Wadsworth feu Giuseppe Verdi.

Cette situation bien qu’inconfortable l’amuse : « Nous avons fait de faux live et on a travaillé comme des fous. Au final nous avons présenté un produit convenable, en étant tous, aux quatre coins du monde. Moi à Nice, la monteuse vidéo en Espagne, les artistes en Italie ou en Israël ou aux Etats-Unis. C’était du pur délire, mais la situation était telle qu’il nous fallait continuer à aller de l’avant. »

Sarah Schinasi appartient à la catégorie de battantes et son parcours montre une force d’âme : » j’ai commencé mes études musicales à l’Istituto Musicale Mascagni à Livourne. C’est un univers impitoyable, car on était en challenge permanent, c’était strict et dur et le moindre faux pas était sanctionné ». 

 Elle n’en fera aucun et obtient un  premier prix de piano, mais son intérêt va au théâtre et elle s’imagine concilier ces deux passions pour la musique et la mise en scène.

Les premiers pas dans la mise en scène

Elle étudie le théâtre pendant douze ans : »  quand j’étais enfant et je m’imaginais au parterre, place du metteur-en-scène ». Parallèlement à ses études de musique, elle passe une maîtrise en dramaturgie à l’Université de Pise, puis c’est le départ pour la Royal Central School  of Speech and Drama, grande école d’acteurs : « j’y ai appris le jeu d’acteur ».

 Mais l’endroit est propice aux belles rencontres, celles qui lui permettent d’avancer dans la voie qu’elle a choisie : « j’ai eu comme professeur de mouvement Milka Léon »  qui l’initie à la méthode destinée d’abord aux acteurs et qu’elle pratique pour diriger ses acteurs et chanteurs lyriques, non sans l’avoir améliorée.

L’acteur au centre de ses créations

Il s’agit de la méthode Laban-Bartenieff qui allie le mouvement et la respiration « avant de travailler sur le texte avec les chanteurs lyriques, nous effectuons un travail holistique, les chanteurs d’opéra ont un double défi à relever, ils doivent à la fois chanter et évoluer sur scène et le corps devient un instrument à part entière ». Mais elle ajoute une dimension à la méthode en veillant à la construction de l’artiste à la fois de l’intérieur et de l’extérieur tout en lui laissant une marge, et surtout lui permettre de garder une certaine distance avec l’œuvre « afin de ne pas se laisser submerger par l’émotion ». Le catalogue de mouvements mis sur pied par la méthode permet au metteur-en-scène mais aussi l’artiste de faire un choix selon la nécessité la performance et du personnage à interpréter.  

Un autre professeure et professionnelle du théâtre va compter, Rina Yerushalmi, qu’elle assiste dans les workshops sur le théâtre grec au Old Vic à Londres, qui pratique la méthode Feldenkrais du nom d’un footballer et physicien qui s’est cassé le genou et a mis sur pied une méthode de rééducation. Celle-ci va permettre à Sarah de créer sa propre méthode qu’elle enseigne au Vocal Institute de Julliard School of Musica  à New-York.

De retour de Londres, elle débute à l’Opéra de Nice, où elle officie sous l’égide de Jaques Albert Cartier et Giancarlo del Monaco, qui complète admirablement sa formation. 

Puis L’heure de voler de ses propres ailes est venu et Sarah sillonne le monde, dirige à Pekin,  Londres, Tel Aviv, Milan, Florence, New York

Sa méthode destinée aux acteurs, fait d’elle une metteur-en-scène très demandée aussi au théâtre « j’aime l’idée que l’on puisse me demander au théâtre ». Et pour preuve, elle a racheté les droits d’une pièce de la scénariste Anat Gov : une comédie qui met en scène Dieu déprimé et qui se voit contraint, pour échapper au blues qui l’envahit de faire une thérapie.

Elle a choisi comme acteur pour sa pièce, l’ancien journaliste sportif et acteur aussi, Gérard Holtz qui « bien que laïc a adoré le texte », un brin provocateur, « Oh my God ! », de quoi satisfaire Sarah Schinasi, qui n’a pas souhaiter changer une ligne, fidèle à son approche des œuvres qu’elle laisse dans l’esprit même de leur création.

Lea Raso Della Volta