Si le e-commerce a pris de l’importance ces dernières années, y compris dans le contexte sanitaire, les déchets qui en découlent suivent une trajectoire similaire. C’est pour remédier à cette problématique que la société Opopop propose auprès des commerçants en ligne ses services en matière de colis réutilisables, comme le souligne la cofondatrice Charlotte Darmet dans un entretien accordé à Feat-Y, où elle défend cette alternative aux colis en plastique ou en carton, faiblement recyclables, voire mêmes non réutilisables. Interview.

Feat-Y : Pour quelle(s) raison(s) avez-vous lancé Opopop ?

Charlotte Darmet : Antonin et moi travaillons dans le e-commerce depuis la fin de nos études.  On s’est rendu compte qu’aujourd’hui, le e-commerce est un mode de consommation très pratique, en croissance, mais qui est très générateur de déchets. Le e-commerce est un bel outil, à condition qu’il soit bien utilisé. On a eu envie de contribuer à l’émergence d’un e-commerce plus responsable, en s’attaquant au sujet particulier des déchets dans le e-commerce, qui sont nombreux. L’an dernier, 1,3 milliard de colis ont été expédiés, rien qu’en France. Ce sont autant de déchets qui sont jetés à la poubelle après une seule utilisation, c’est frustrant quand on reçoit nos colis n’est-ce pas ? Ce qui nous a fait venir dans le e-commerce, c’est notre connaissance du secteur et notre envie de le rendre plus vertueux.

sac opopop

Charlotte Darmet : « Les colis Opopop vont être réutilisés des dizaines de fois avec un tissu solide, imperméable »

Feat-Y : Quels matériaux utilisez-vous pour vos colis recyclés et quels sont leurs avantages comparativement aux colis en plastique et en carton ?

C.D : Nos colis sont faits à partir de matériaux upcyclés. Ce qui fait leur impact positif c’est qu’ils sont réutilisables ! L’objectif d’Opopop est d’appliquer le système de la consigne, qui revient pour les emballages dans le commerce, aux colis du e-commerce. Nos colis sont réutilisables et consignés. Pour les produire, on récupère des fins de rouleaux de l’industrie textile, des fins de rouleaux de tissus imperméables, assez techniques et très solides. Ce qui nous permet d’utiliser des stocks dormants et de ne pas produire de nouvelles matières pour produire nos colis. L’avantage de nos colis par rapport à des colis jetables c’est avant tout la réutilisation. Notre colis est fait pour être utilisé des dizaines et des dizaines de fois et sont réparables. Notre objectif, c’est 100 utilisations. Ensuite, ce sont des matières qu’on peut revaloriser, retraiter, recycler en fin de parcours. Aujourd’hui, moins de 10% du plastique hors bouteille est recyclé en France. On peut se dire qu’un plastique qui arrive dans notre maison a de fortes probabilités de ne pas être recyclé. Il sera incinéré ou enfoui. Un colis carton peut être recyclé, mais la fabrication du carton et son recyclage sont très gourmands en ressources. Que ce soit de l’énergie, de l’eau, etc. Au-delà de la comparaison des matières dans notre cas, c’est l’usage qu’il faut comparer.  Les colis Opopop vont être réutilisés des dizaines de fois avec un tissu solide, imperméable, versus un carton ou un plastique qui sera utilisé une seule soit et qui sera dans le meilleur des cas recyclé.

sac opopop

Feat-Y : Êtes-vous dans une logique made in France dans la fabrication de vos colis ?

C.D : Tout à fait. On s’inscrit dans l’économie circulaire, dans l’économie du réemploi avec Opopop. Un projet de réemploi a plus d’impact s’il est le plus local possible. Aller produire des colis en Asie, les faire venir ici et les utiliser ici, ça n’a pas beaucoup de sens pour nous. Ce n’est pas dans cette démarche qu’on veut s’inscrire. Tous nos colis sont faits en France. On récupère la matière en France et on transforme le colis en France, avec un partenaire qui s’appelle Bilum, qui fait de l’upcycling depuis 2005. Ce sont des pionniers de l’upcycling en France.

Feat-Y : Votre service de colis réutilisable concerne le e-commerce. Pourquoi cibler sur ce type de commerce, laissant sous-entendre une mise à l’écart du commerce « classique » ?

C.D : Ce n’est pas tellement une mise à l’écart du commerce classique parce que nous avons des clients qui ont, à la fois, des boutiques et un site e-commerce. Si jamais le commerce physique a besoin de faire du click and collect ou de la livraison dans une ville, il peut parfaitement utiliser nos colis. Ce qu’on met derrière le e-commerce, c’est de pouvoir livrer des clients. Pourquoi avoir choisi de s’intéresser au e-commerce ? Parce que c’est un mode d’achat qui explose, d’autant plus avec la crise sanitaire actuelle. Et c’est en grande partie la livraison qui génère des déchets. On n’oppose pas les deux modes de consommation, on a juste choisi de s’intéresser aux déchets générés par l’un d’eux, le e-commerce. 

colis disponibles en plusieurs tailles

Feat-Y : Le service que vous proposez concerne-t-il à la fois les particuliers et les entreprises et vise-t-il à être étendu sur l’ensemble de la France ?

C.D : Notre service est déjà national. On envoie des colis partout en France ! Nos clients sont les boutiques en lignes qui expédient à leurs consommateurs partout en France.  Au lieu d’acheter du plastique ou du carton chez les vendeurs d’emballage traditionnels, le e-commerçant va louer le colis à l’utilisation. Le colis arrive ensuite chez l’utilisateur, qui va récupérer sa commande et renvoyer le colis dans n’importe quelle boîte postale jaune de La Poste. Il y a en a 135 000 en France, forcément une près de chez lui. Le colis revient chez nous. On se charge de le nettoyer, de le préparer pour un prochain cycle et de le relivrer à nos commerçants partenaires. Du coup, nos clients sont les e-commerçants, mais les utilisateurs sont nos partenaires clés : c’est grâce à eux que le colis reste dans la boucle.  En revanche les particuliers ne peuvent pas utiliser les colis pour leurs envois personnels pour l’instant.  On essaie de se concentre sur le gros du volume, et le gros des déchets, qui sont les envois des entreprises versus les envois des consommateurs.

Feat-Y : Est-ce que le contexte sanitaire existant depuis un an a modifié votre stratégie de développement ?

C.D : Pas tellement. Le contexte de Covid a mis l’accent sur le problème des déchets du e-commerce, parce qu’il n’y avait presque plus que le e-commerce, pendant un an, pour consommer. Le e-commerce a connu une plus forte croissance que lors des précédentes années. Il y a encore plus de déchets.  En-dehors des adaptations que toutes les entreprises ont dû faire, ça n’a pas modifié notre stratégie. Par contre, ça a fortement accentué notre envie de régler le problème !

Propos recueillis par Jonathan Baudoin

Plus d’infos:

Opopop:

https://opopop.co/

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