Elle raconte être tombée dans la marmite, comme Obélix. Un bouillon de curiosité et d’amour de la nature a conduit l’artiste plasticienne Lola Greenwich à s’intéresser aux plantes. Elle les observe, admire leur beauté, expérimente et réussit parfois à les transformer en un papier solide et résistant, qu’elle manie ensuite selon son inspiration.

Feat-Y : Comment êtes-vous devenue plasticienne ?

Lola Greenwich : J’ai fait des études en arts plastiques ! J’ai toujours baigné dans ce milieu : je suis issue d’une famille d’artistes et d’architectes. Je me suis peu à peu intéressée à la matière. Au début, je faisais mon papier recyclé, puis j’ai eu vent de la technique du papier végétal. Il y a environ 25 ans, je suis allée faire un stage de fabrication de papier végétal dans les Vosges, chez l’artiste Claudie Hunzinger. La nature est si foisonnante que je suis constamment en train de tester de nouvelles plantes !

Feat-Y : Elle occupe une place dominante dans vos œuvres, pourquoi ?

L.G. : J’ai une connexion particulière avec elle. J’aime bien faire de grandes balades toute seule. Je recherche toujours le petit rayon de lumière, le moment de quiétude que la nature peut m’apporter. J’essaie de retranscrire ces instants captés dans mes œuvres. Pour moi, il est très important de se reconnecter à l’essentiel et aux choses simples.

Feat-Y : Avez-vous d’autres sources d’inspirations ?

L.G. : Elle peut aussi venir en lisant des poésies, ou en entendant une phrase particulière. Je suis souvent inspirée par des textes ou des poèmes liés à la nature, qui racontent une quête intérieure. Je pense par exemple aux livres Forêt voisine, de Maurice Genevoix, et Neige, de Maxence Fermine. Mon idée d’une œuvre se précise ensuite au fur et à mesure. Le texte m’apporte des images, des sensations, puis le contact de la matière papier va m’inspirer. 

Feat-Y : Comment transforme-t-on une plante en papier végétal ?

L.G. : C’est assez long. Ça passe par la cueillette des plantes, suivie d’une phase de cuisson dans une marmite, pour obtenir la fibre de cellulose. On cuit soit avec un mélange d’eau et de lessive de soude, soit avec un mélange d’eau et de cendres. D’ailleurs, j’utilise mon eau de cuisson à l’infini. Je ne rejette pas dans l’environnement la lessive de soude, mais je la filtre et je m’en ressers pour mes cuissons suivantes. La durée de la cuisson varie selon plusieurs critères. Entre autres, la nature de l’appareil utilisé, la saison de la cueillette, les fibres de la plante, ou encore si elle est fraîche ou sèche.

Feat-Y : Que se passe-t-il une fois la cuisson terminée ?

L.G. : La fibre de cellulose est rincée, puis prête à être transformée en papier. Ne reste plus que la fabrication de la feuille : on dépose la pulpe sur le tamis, sans puiser dans l’eau. Parfois, on peut l’utiliser telle qu’elle. D’autre fois, on la travaille en la passant au pilon. On peut aussi la couper, l’écraser, la mixer… Lorsque la feuille est composée sur le tamis, on la sort de l’eau et on la couche sur un tissu. La dernière étape est la mise sous presse. Il faut changer les tissus très souvent pour bien absorber l’eau, puis on dépose la feuille sur du carton gris.

Feat-Y : Comment travaillez-vous ce papier obtenu ?

L.G. : J’en fais des œuvres murales, en deux dimensions, ou des sculptures, comme mes bustes à taille humaine. Ce sont des costumes pour une dryade, une fée des bois. Il y en a quatre, correspondant aux quatre saisons. Ici, le lien avec la nature se fait par la matière, mais aussi par la thématique. Côté technique, je brode à la main ou à la machine, je rajoute des perles, des feuilles d’or, des éléments textiles tissés, et d’autres issus de la nature, sans qu’ils soient transformés : des graines, des coquillages, des bouts de branche…

Feat-Y : Comment choisissez-vous les plantes ?

L.G. : Il y a d’abord une phase d’expérimentation. Je ne sais pas ce que va donner le papier ! C’est la matière transformée qui m’inspire. Un jour, j’ai testé le lichen : j’ai toujours aimé ses graphismes ! Quand la feuille était humide, elle était caoutchouteuse, je pensais que j’allais pouvoir en faire ce que je voulais. Or, une fois sèche, elle est devenue aussi cassante qu’une crêpe dentelle.

Feat-Y : Avez-vous une matière préférée ?

L.G. : La fibre de lin ! Je l’utilise pour travailler les volumes. Elle est longue, résistante et possède un aspect nacré et précieux naturel.

Feat-Y : Comment abordez-vous vos thématiques ?

L.G. : Je travaille parfois par séries. Une thématique m’inspire, et je la décline en diverses œuvres. J’en ai souvent plus d’une en route, et depuis plusieurs années. Les avoir sous les yeux permet à ma réflexion de mûrir pour aller jusqu’au bout de mon idée.

Feat-Y : Quelle est votre actualité ?

L.G. : Une de mes œuvres a été sélectionnée pour une exposition online, le BIAMT 2020 (Biennale Internationale d’Art Miniature Timisoara). Elle sera accessible dès le 26 novembre. J’organise des stages dans mon atelier pour partager la technique de fabrication du papier végétal. Je vais également en faire un depuis Paris Atelier, du 22 au 24 février 2021.

Feat-Y : Quelle œuvre d’art seriez-vous ?

L.G. : Un poème. On peut transmettre beaucoup de choses par le visuel, mais aussi par les mots.

Feat-Y : Quelle plante seriez-vous ?

L.G. : Le mimosa ! Il est jaune, éclatant, vivant. Il est doux dans sa texture et dans son parfum subtil.

Propos recueillis par Mélanie Domergue

Infos :

Site Internet : https://lolagreenwich.com/

Page Facebook : https://www.facebook.com/lola.greenwich.ateliers

Pour accéder au BIAMT 2020 dès le 26 novembre :http://arte-fact.uvt.ro/projects/biamt2020