Claudette Lovencin : « Notre but est de faire quelque chose d’ultraconfortable »

Confectionner des culottes menstruelles réutilisables, voilà un projet défendu par la marque Fempo depuis 2017. Claudette Lovencin, cofondatrice de la marque, raconte auprès de Feat-Y les motivations pour produire des culottes menstruelles, de tendre à en faire une lingerie suffisamment élégante pour que les femmes puissent les porter durant leurs règles et ainsi faire évoluer positivement le rapport qu’ont les femmes avec leur partie intime. Interview.

Feat-Y : Quelles sont les origines de la fondation de Fempo ? Le nom que vous avez donné à cette marque a-t-il une signification particulière ?

Claudette Lovencin : Pour répondre à la deuxième partie de la question, Fempo a une signification particulière. C’est la contraction de deux mots ; femme et pouvoir. C’est ce qu’on essaye d’infuser dans Fempo, l’idée de reprendre le pouvoir, d’avoir pleine possession de son corps, de le comprendre, et de s’assurer qu’on puisse aller de l’avant. Ce projet est né en 2017. J’ai commencé Fempo avec Fanny Abes. On se connaît depuis une dizaine d’années. On s’est rencontré au Canada et il y a quelques années, je suis venue à Paris pour compléter mes études. On a tout de suite repris contact. On s’est dit « ce serait vraiment cool qu’on lance un projet ensemble ». On avait des sujets en commun qui nous intéressaient. Moi, plus sur la santé des femmes, comment aider les femmes à prendre soin de leur corps. Fanny est plus axée sur les sujets d’indépendance, de leadership, d’avancement. On est tombé sur le sujet des règles un peu par accident, en raison d’une communauté formée, et d’un début de prise de conscience des femmes sur les menstruations, les règles. Et surtout, sur la toxicité des produits jetables qui devenait de plus en plus visible dans les médias.

Feat-Y : Qu’est-ce qui vous a incité à vous tourner vers la production de culottes menstruelles ?

C.L : On s’est dit qu’il serait bon de vérifier si cette problématique est réelle. On a lancé un sondage sur les réseaux sociaux en demandant aux femmes comment elles vivent leurs règles. Assez rapidement, on a eu presque 3.000 personnes qui nous ont répondu, qui nous dit qu’en effet il y avait une problématique, qu’elles ne vivaient pas du tout bien leurs règles par rapport aux produits qu’elles utilisaient. Qu’il était grand temps de changer, d’un point de vue protection jetable. Ce qu’elles nous ont mis en avant, c’est que ce n’était pas du tout confortable, qu’elles avaient peur pour leur santé vis-à-vis de la toxicité et qu’elles avaient une conscience écologique, et utiliser des produits qu’elles jetaient tous les mois, générant beaucoup de déchets, ne leur correspondait plus. C’est à la vue de ces commentaires-là, de ces retours, qu’on a essayé de développer quelque chose qui pourrait être à la fois ultraconfortable, sans danger pour la santé et durable, avec un impact écologique moindre. La culotte menstruelle est une solution moderne qui répond à ces trois problématiques. On savait qu’il y avait d’autres produits existants sur le marché, répondant en partie à cette demande. Comme par exemple la coupe menstruelle, qui est un produit durable, avec moins d’incidence sur la santé, mais qui n’est pas du tout accessible à toutes les femmes. On a, également, tout ce qui est serviette lavable, qui peut être aussi un produit écologique. Vu que c’est lavable, on peut l’utiliser plusieurs fois. Il ne génère pas beaucoup de déchets. Au niveau de la santé, si c’est avec de bons tissus, ça peut être aussi une alternative. Par contre, plusieurs femmes nous expliquent que ce n’est pas un produit confortable car ça n’enlève pas cette notion d’avoir quelque chose en plus de la culotte. Au contraire, ça nous rappelle qu’on a nos règles et c’est un produit qu’il faut changer plusieurs fois par jour. Ce qui était sur le marché, à ce moment-là, n’arrivait pas à répondre à ces trois requêtes. Je connaissais déjà la culotte menstruelle parce que ça commençait à arriver en Amérique du Nord. Je viens du Canada. Je me suis dit, avec Fanny, qu’on peut faire quelque chose sur ce créneau-là et offrir le meilleur produit possible.

Feat-Y : Quelles matières utilisez-vous pour vos culottes et maillots de bain menstruels et est-ce écologiquement soutenable, comparativement à des protections jetables ?

C.L : Si on compare aux jetables, ce sera toujours soutenable dans la mesure où c’est un produit qu’on utiliser plusieurs fois, voire pendant plusieurs années. Tout dépend du nombre de culottes qu’on a et du roulement qu’on en fait. Pour les tissus, je m’explique rapidement. On commence par l’intérieur, ce qui est en contact avec la peau, qui est composé de coton à 100%. C’est le premier tissu qui touche directement aux muqueuses. Ensuite, on a une matière qui vient absorber, faite avec du bambou, qui absorbe. Il y a un tissu qui permet d’éviter les fuites, donc imperméable. Et l’extérieur, selon le modèle, c’est souvent du nylon, comme on le connaît dans les sous-vêtements normaux. Ce qui est important à retenir, c’est que de l’extérieur, ça ressemble vraiment à un sous-vêtement typique. La plupart des gens me disent qu’ils ne voient pas la différence. C’est ce qu’on essaye de faire. C’est de se rapprocher d’un produit qui ressemble de plus en plus à une lingerie pour que les femmes puissent avoir quelque chose de beau à porter durant leurs règles. Après, pour les spécificités dans la composition, j’invite à aller sur le site où il y a une FAQ où on explique précisément toutes les matières, comment elles sont faites, le pourcentage, etc. Pour celles qui veulent plus d’informations, elles peuvent nous écrire directement. On est toujours très ouverte envers toutes celles qui nous écrivent et qui ont des questions spécifiques parce qu’on sait que dans certains cas, il peut y avoir des problématiques liées à des allergies. Certaines femmes sont très conscientes de ce qu’elles utilisent.

Feat-Y : Quels retours avez-vous de la part de votre clientèle ?

C.L : On a des retours super positifs ! Au moment de nos débuts, on a créé des premiers prototypes qu’on a demandé à des femmes de tester et de nous faire leurs retours, pour qu’on puisse constamment s’améliorer et créer quelque chose qui conviendrait à un maximum de personnes. On continue de sonder des clientes, à leur poser des questions. Comme je l’ai dit tout à l’heure, il y a une équipe qui répond aux questions, qui vérifie que le produit continue de répondre aux attentes. Globalement, c’est très positif. Souvent, des femmes nous disent « vous avez littéralement changé ma vie. Vous avez changé le rapport que j’ai avec mes règles ». Je pense qu’on est sur une très bonne voie, là-dessus. On essaye de continuer comme ça, avec les clientes, pour proposer le meilleur produit possible.

Feat-Y : Quelle stratégie de développement comptez-vous tenir à l’avenir ? Sera-t-elle axée sur du made in France ?

C.L : La stratégie globale reste la même, c’est-à-dire offrir le meilleur produit. Pour cela, il faut qu’on ait le meilleur tissu, une confection qui se rapproche de plus en plus de la lingerie. Notre but est de faire quelque chose d’ultraconfortable, de beau, pour qu’une femme puisse le porter durant ses règles et même sans règles. Notre stratégie n’est pas nécessairement une stratégie du made in France. Et ça, on est très explicite là-dessus. On cherche à développer des partenariats avec les meilleures personnes. Pas nécessairement sur la base de la nationalité de l’entreprise, mais sur la capacité à proposer les meilleurs produits et être un partenaire de long terme. Pour les entreprises qui commencent, on sait que c’est compliqué d’être pris au sérieux, de trouver des gens qui seront stables et qui voudront grandir avec nous, qui sont capables de grandir avec nous. Aujourd’hui, on essaye de trouver des partenariats régionaux. Les tissus qu’on utilise viennent de France et d’Italie. La confection se fait en Europe et au Maghreb, parce que c’est là que nos premiers partenaires nous ont rejoint. Ce sont des gens de confiance qui ont accepté de travailler avec deux personnes qui ne connaissaient rien du secteur, sur une nouvelle marque avec un nouveau produit. On garde ces partenaires-là et c’est la base sur laquelle on va continuer dans les prochaines années. C’est qui fait le meilleur job, qui est capable de proposer à la clientèle les meilleurs produits au meilleur prix, avec les attentes qu’elle a.

Feat-Y : Si vous étiez un personnage historique, qui seriez-vous ?

C.L : J’ai toujours du mal avec cette question. Je ne sais pas. Je peux dire que j’admire les personnages qui cherchent à changer le monde à leur échelle, qui ne se prennent pas au sérieux, qui sont proches des gens.

Feat-Y : Si vous étiez une plante, ce serait laquelle ?

C.L : Je crois que la plante à laquelle on m’a souvent comparé est le cactus. Solitaire, avec de petites épines, plus pour se protéger que de faire mal aux autres, qui n’a besoin de beaucoup pour vivre dans un coin tranquille, au soleil.

Feat-Y : Si vous étiez une chanson, laquelle seriez-vous ?

C.L : La première qui me vient à l’esprit est « Survivor » des Destiny’s Child. J’aime surtout la première réplique « I’m a survivor/I’m not gonna give up ». Je pense que ça me décrit plutôt bien.

Feat-Y : Si vous étiez un animal, ce serait lequel ?

C.L : Je me vois dans l’optique du flamant rose. Un animal à la fois solitaire et en groupe. Rares sont les fois qu’on voit un flamant rose seul. C’est souvent dans un troupeau mais il peut aussi passer du temps seul, tranquille, sans faire de vagues.

Propos recueillis par Jonathan Baudoin


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